Les contentions des patients sont des mesures utilisées en vue de limiter l’activité ou de contrôler le comportement d’une personne ou d’une partie de son corps. La Loi de réduction au minimum de l’utilisation de la contention sur les malades de l’Ontario donne la définition suivante de la contention : « “maîtriser” – Relativement à une personne, s’entend du fait de la contrôler grâce à l’utilisation minimale de la force, des moyens mécaniques ou des substances chimiques qui sont raisonnables compte tenu de l’état physique et mental de la personne1. »
Les infirmières et infirmiers ont l’obligation juridique et professionnelle de fournir des soins appropriés et sécuritaires, y compris de savoir quand agir si la sécurité ou le bien-être d’un patient est compromis. Cela peut comprendre le recours à la contention. Sur le plan juridique, il n’existe pas, en général, de distinction entre les différentes sortes de contention auxquelles on peut avoir recours. Le présent article dans InfoDROIT présente les facteurs juridiques, éthiques et autres dont les infirmières et infirmiers doivent tenir compte lorsqu’ils ou elles ont recours à des moyens de contention sur un patient.
Les différents moyens de contention qu’une infirmière ou un infirmier rencontre le plus souvent sont les suivants :
- La contention environnementale – Restriction de la mobilité d’une personne en limitant l’espace géographique où elle se déplace.
- Cela peut inclure le placement des patients dans des salles d’observation fermées à clé, ce qui peut être appelé « isolement2 ».
- La contention mécanique ou physique – Utilisation d’un dispositif, d’un mécanisme ou d’une technique pour limiter les mouvements d’une personne ou d’une partie de son corps.
- Il peut s’agir de maîtriser physiquement un patient par les mains, d’utiliser une veste, des sangles, des rails de lit qui limitent les mouvements, ou de menottes.
- La contention chimique – Utilisation de médicaments psychoactifs uniquement pour inhiber les mouvements ou le comportement d’une personne, et non pour traiter des symptômes d’ordre médical.
- L’emploi d’une contention chimique requiert en général une ordonnance ou un accord écrit d’un professionnel de la santé autorisé (par exemple, un médecin, ou une infirmière ou un infirmier praticien)3.
Quand peut-on avoir recours à la contention pour un patient?
Les moyens de contention peuvent être utilisés s’il est nécessaire de protéger le patient ou d’autres personnes de lésions corporelles. On peut avoir recours à la contention dans une situation d’urgence où le danger est imminent.
Des lois provinciales et territoriales concernant la santé mentale traitent en particulier du recours à la contention dans les établissements de santé4. Un patient a le droit au respect de l’autonomie de sa personne. Un patient apte peut préférer le risque de lésion corporelle à la contention. Les infirmières et infirmiers doivent respecter ce droit et alors envisager d’autres mesures pour réduire le risque de lésion corporelle du patient5.
La contention ne doit jamais être utilisée à titre de punition, en remplacement de soins infirmiers ou pour faciliter la tâche du fournisseur de soins. Elle peut entraîner des conséquences physiques, sociales et psychologiques graves pour le patient. Le recours à la contention doit être fondé sur le cas individuel du patient, son état au moment de la prise de décision et sur son comportement, ainsi que sur d’autres évaluations de suivi, qui se conclut par des interventions raisonnables6. En outre, la contention ne doit être utilisée que pour une durée minimale lorsque les stratégies de gestion de crise et de désescalade n’ont pas réussi à assurer la sécurité de la personne ou d’autrui7. Un médecin, une infirmière ou un infirmier praticien est généralement celui ou celle qui ordonne la contention8. Le recours à des ordonnances permanentes ou l’utilisation à long terme de moyens de contention ne sont généralement pas acceptables.
Y a-t-il des risques juridiques associés au recours à la contention?
Oui, le recours inapproprié à des moyens de contention peut entraîner une action en justice ou une enquête réglementaire. D’autre part, le fait de ne pas prendre de précautions raisonnables pour éviter toute blessure au patient ou à d’autres personnes présente également des risques juridiques. Les exemples ci-dessous mettent en évidence certains aspects de la contention des patients que les tribunaux pourraient devoir prendre en considération.
Des patients ont allégué que le recours à des moyens de contention violait leurs droits en vertu de la Charte des droits et libertés. C’est le cas d’un patient dans un établissement de santé mentale, qui a reçu un médicament par injection lorsqu’il est devenu menaçant et impossible à maîtriser. Il a intenté par la suite une poursuite, alléguant que l’injection violait ses droits garantis par la Charte, la common law et ses droits prévus par la loi. La Cour a conclu que l’injection était justifiée, car elle assurait la sécurité du patient et celle des autres personnes et qu’il n’y avait pas eu violation de ses droits9.
Dans un autre cas, une infirmière ne s’est pas conformée aux ordres du médecin et de l’équipe de crise, en retirant deux des quatre points de contention qui avaient été imposés au patient. Ceci a entraîné une explosion de violence de la part du patient. Le comité de discipline a conclu que l’infirmière « avait enfreint les règles de l’Ordre lorsqu’elle a retiré les points de contention sans procéder à une évaluation psychiatrique, sans tenir compte de la gravité de la situation ni du danger que couraient les personnes et du fait qu’elle avait délibérément retiré les points de contention mettant ainsi le personnel et elle-même en danger ». L’infirmière a reçu une suspension de cinq jours10.
D’autre part, l’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick (AIINB) a rendu une décision disciplinaire en concluant que l’infirmière avait « ordonné que des patients soient soumis à des mesures de contention sans envisager d’autres solutions11 », qu’elle avait administré des médicaments de manière inappropriée et avait omis de consigner ses actes conformément aux normes de pratique. Après avoir constaté que l’infirmière avait enfreint le Code de déontologie et les normes de pratique de la province, le comité de discipline a ordonné que l’infirmière soit suspendue jusqu’à ce que certaines conditions soient remplies. L’infirmière a également dû payer une amende et une partie des frais encourus pendant la procédure12.
Comment une infirmière ou un infirmier devrait-il ou elle procéder pour gérer les risques associés au recours à la contention?
Politiques et procédures
Les établissements de santé mentale devraient mettre en place des « politiques de moindre contention » qui comprennent un protocole complet d’évaluation des risques pour déterminer si la contention d’un patient est nécessaire ou non. Ces politiques devraient aussi préciser si d’autres types d’intervention, qui ne nécessitent pas la contention mécanique ou l’internement forcé d’un patient pour maîtriser son comportement agressif, pourraient être utilisés en remplacement. Il peut s’agir de techniques verbales, de pauses, de surveillance ou de réorientation du patient. Le personnel doit être formé à l’utilisation appropriée des moyens de contention et des mesures de remplacement.
Consentement
Pour pouvoir utiliser la contention, les infirmières et infirmiers doivent en général obtenir le consentement du patient ou celui de la personne qui prend les décisions en son nom. Il existe certaines exceptions législatives à l’obligation de consentement, notamment si un patient est admis pour un traitement psychiatrique d’office en vertu de la Mental Health Act (Loi sur la santé mentale) de la Colombie-Britannique13 ou s’il s’agit d’une situation d’urgence. Dans une situation d’urgence, « les infirmières et infirmiers peuvent avoir recours à la contention sans consentement lorsqu’il existe une menace sérieuse de préjudice pour le patient ou d’autres personnes, et seulement après que toutes les autres interventions ont échoué14 ». Toutefois, le consentement doit être obtenu dès que possible après la fin de la situation d’urgence15.
Surveillance
Une surveillance régulière du patient soumis à des mesures de contention est essentielle. Cela doit être clairement énoncé dans les politiques de l’établissement de santé et mis en pratique.
Normes professionnelles et législation
Les infirmières et infirmiers doivent connaître et respecter les normes professionnelles ainsi que la loi concernant la contention des patients. Certaines lois sur la santé mentale ou d’autres lois décrivent précisément les procédures appropriées qui doivent être suivies. Tout manquement à cet égard pourrait entraîner des mesures disciplinaires de la part de leur organisme de réglementation professionnelle.
Tenue de dossier
Les infirmières et infirmiers doivent tenir des dossiers détaillés et complets sur le recours à la contention, et certaines lois en font une obligation16. Certains ont fait l’objet de sanctions disciplinaires de la part de leur organisme de réglementation professionnelle pour avoir omis de documenter le recours à la contention pour un patient conformément aux normes applicables17. Lorsqu’une infirmière ou un infirmier consigne au dossier le recours à la contention, elle ou il doit inclure les éléments suivants en plus des documents standards :
- Les moyens de contention (quoi et comment);
- Le comportement du patient qui nécessite la contention ou le maintien de celle-ci (pourquoi)18;
- L’heure du début et de la fin de la contention;
- La fréquence d’observation pendant la contention;
- Les effets sur le patient;
- Dans le cas d’une contention chimique :
- Le type de médicament, le dosage et la méthode d’administration.
Pour obtenir des renseignements supplémentaires sur la documentation générale, veuillez consulter notre rubrique InfoDROIT sur le sujet.
Résumé
Les infirmières et infirmiers doivent connaître les lignes directrices et les normes professionnelles de leur organisme de réglementation concernant le recours à la contention des patients. Étant donné que la restriction de la liberté d’une personne peut être considérée comme un déni des droits fondamentaux de cette personne en vertu de la Charte, une telle mesure ne doit être prise qu’après avoir examiné sérieusement toutes les autres mesures de remplacement possibles.
Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent communiquer avec la Société en composant le 1 800 267-3390 pour parler à un de ses conseillers juridiques. Tous les appels sont confidentiels.
Décembre 2021
- La Loi de 2001 sur la réduction au minimum de la contention sur les malades, L.O. 2001, c. 16
- British Columbia College of Nurses and Midwives, Restraints (Mesures de contention) (texte et site du Collège des infirmières et sages-femmes de la Colombie-Britannique en anglais seulement)
- Ibid.
- Par exemple, Loi sur la santé mentale, L.R.O. 1990, c. M.7; Mental Health Act (en anglais seulement), S.P.E.I. 1994, c. M-6.1; Loi sur la santé mentale, L.R.N.-B. 1973, c. M-10; Loi sur la santé mentale, L.M. 1998, c. 36.
- Un « patient apte » est une personne ayant la capacité de décider pour elle-même.
- Stewart et al. v. Extendicare Ltd., [1986] 4 W.W.R. 559, 38 C.C.L.T. 67 (Sask. Q.B.). (en anglais seulement) La Cour a jugé qu’une maison de soins infirmiers a le devoir de rendre ses locaux raisonnablement sécuritaires et doit prendre des précautions raisonnables pour éviter toute blessure à ses résidents.
- Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, Understanding Restraints (Comprendre le recours à la contention), 2018 (en anglais seulement) https://www.cno.org/en/learn-about-standards-guidelines/educational-tools/restraints/; Institut canadien pour la sécurité des patients, https://www.patientsafetyinstitute.ca/en/education/PatientSafetyEducationProgram/PatientSafetyEducationCurriculum/Documents/Module%2013d%20Seclusion%20and%20Restraint.pdf (en anglais seulement)
- Supra, à la note 2. Veuillez noter que la définition de praticien de santé autorisé peut différer selon le territoire de compétence dans lequel vous exercez.
- Conway v. Fleming, [1999] CanLII 19907 (Cour divisionnaire de l’Ontario) (en anglais seulement)
- North York General Hospital v. Ontario Nurses’ Association 2016 CanLII. 27026 (ON LA) (en anglais seulement)
- Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick, Décisions disciplinaires (2021) : https://www.nanb.nb.ca/decisions-disciplinaires/
- Ibid.
- Ibid.
- Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, Understanding Restraints (en anglais seulement), 2018 (Comprendre le recours à la contention) https://www.cno.org/en/learn-about-standards-guidelines/educational-tools/restraints/
- Veuillez noter que la loi relative au consentement diffère selon le territoire de compétence. Veuillez consulter la loi appropriée de la province ou du territoire où vous exercez, ou vous adresser à votre employeur pour obtenir plus de renseignements.
- Par exemple, Loi sur la santé mentale, L.M. 1998, c. 36, C.P.L.M. c. M110, s. 29(4); Loi sur la santé mentale, L.R.Y. 2002, c. 150, art. 18(2)-(3).
- Par exemple, veuillez consulter la décision disciplinaire de l’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick (2021) : https://www.nanb.nb.ca/decisions-disciplinaires/?lang=fr
- Supra, à la note 14.
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.