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Quels aspects des soins infirmiers dispensés en salle d’urgence exigent une diligence spéciale?
Triage
Le triage est généralement effectué selon des lignes directrices telles que celles élaborées par le Groupe de travail national sur l’échelle canadienne de triage et de gravité. Il est possible de mieux comprendre la façon dont une cour évalue la preuve relative aux catégories de triage et aux interventions cliniques en examinant deux cas survenus en salle d’urgence. Dans le premier cas1, une veuve alléguait que les soins infirmiers dispensés à son mari défunt étaient négligents. L’infirmière de salle d’urgence avait évalué le patient et catégorisé le cas d’urgent. Vingt minutes plus tard, le patient a subi un arrêt cardiaque. Dans le deuxième cas2, une fillette de 14 mois a eu une crise épileptique généralisée une heure et demie après son arrivée à la salle d’urgence d’un hôpital pédiatrique. Les parents alléguaient la catégorisation de l’état de leur fille comme urgent plutôt que très urgent a entraîné du retard, ce qui lui a causé des lésions cérébrales irréversibles. Dans les deux cas, les demandeurs prétendaient qu’un niveau de triage supérieur aurait permis d’intervenir plus tôt et sauver leur proche. Comme la preuve quant aux politiques de triage et aux évaluations du personnel infirmier, ainsi que la preuve d’opinion des témoins experts3 au sujet de l’état du patient, du pronostic et du délai probables avant que les interventions ne puissent avoir un effet thérapeutique n’ont révélé aucun bris des normes de soins infirmiers, les actions en justice ont été rejetées.
Engorgement
L’importance accordée récemment à la réduction des temps d’attentes dans les soins de santé pourrait faire en sorte que les décisions soient plus souvent soumises à l’analyse des autorités hospitalières et judiciaires. Les problèmes systémiques qui entraînent l’engorgement des salles d’urgence sont complexes et, en grande partie, hors du contrôle d’une infirmière de salle d’urgence4. La preuve de l’existence de problèmes systématiques est admissible dans les instances judiciaires. Les enquêtes médico-légales (« Fatality Inquiries ») et les enquêtes de Coroner visent en fait tout spécifiquement les problèmes systémiques. Une telle enquête a porté sur le cas d’un jeune homme souffrant de douleurs abdominales qui s’est rendu à trois salles d’urgence différentes durant la même journée. Il a quitté les deux premières salles d’urgence en raison de longues périodes d’attente. Au troisième hôpital, il est décédé de complications d’asthme après une appendicectomie. Le rapport préparé à l’issue de l’enquête renfermait maintes recommandations au gouvernement, aux établissements de soins de santé et aux prestataires de soins de santé, notamment la recommandation que l’autorité régionale de santé suive son propre plan sanitaire « en finançant des lits d’hôpital additionnels pour atteindre l’indice lit/population et le taux d’occupation appropriés et pour maintenir cet indice à mesure que la population continue de croître et de vieillir5. » Toutefois, puisqu’il est peu probable que l’existence de problèmes systématiques exonère complètement un professionnel qui a fait preuve de conduite négligente, l’infirmière qui travaille dans une salle d’urgence surpeuplée devrait veiller à continuer de prodiguer des soins infirmiers raisonnables et prudents selon les circonstances.
Clarté des rôles
À travers le Canada, une plus grande variété de professionnels de la santé, tels des infirmières praticiennes et des auxiliaires médicaux, peut faire partie de l’équipe de soins en salle d’urgence. Cela ajoute à la complexité préexistante de la composition des équipes soignantes, surtout dans les hôpitaux universitaires. Le cas d’un médecin résident fait ressortir la nécessité de bien comprendre les politiques institutionnelles régissant les rôles et le niveau d’autorité des intervenants. Dans ce cas, les politiques hospitalières prévoyaient que seul le médecin de la salle d’urgence pouvait autoriser le congé d’un patient de la salle d’urgence, et seul un médecin membre du personnel pouvait admettre un patient à l’hôpital. Cette politique n’a pas été respectée dans le cas d’un patient de 35 ans avec manifestation soudaine de douleurs de poitrine. L’urgentiste qui l’a examiné a prescrit des tests et une consultation en médecine interne. Le résident de service en médecine interne a évalué le patient sans lire les notes de l’urgentiste et s’est mépris quand au moment de l’apparition des douleurs. C’est un médecin membre du personnel qui n’était pas de service qui a, suite à l’appel du résident, autorisé le départ du patient. Le médecin résident a donc donné congé au patient sans en parler à l’urgentiste. Le patient est décédé le jour suivant d’un anévrisme disséquant de l’aorte thoracique. La cour a conclu qu’il y a eu négligence, tout en précisant : « lorsqu’un hôpital adopte une nouvelle politique qui vise à améliorer les soins dispensés aux malades, il a l’obligation de veiller à ce que tous et chacun comprennent cette norme plus élevée et travaillent à assurer son respect. » Cela ne rélève pas les infirmières de leur obligation personnelle de se conformer aux politiques. Toutefois, il peut être rassurant de savoir que leur obligation ne s’étend pas à faire respecter les politiques par les autres membres de l’équipe de soins. Bien que les infirmières soient bien placées pour tenter de faire respecter ces politiques, c’est l’hôpital qui est ultimement responsable de les faire observer.
Documentation
D’ordinaire, c’est au moyen du dossier médical que les salles d’urgence communiquent à l’équipe soignante, de manière succincte et opportune, les renseignements pertinents concernant les patients. Le manque de documentation adéquate peut nuire aux soins dispensés aux patients et à la crédibilité de l’intervenant. Considérons le cas d’une infirmière responsable des évaluations psychiatriques initiales d’une salle d’urgence qui a reçu une demande de consultation urgente au sujet d’un patient victime d’un accident vasculaire cérébral massif qui voulait enlever sa tubulure intraveineuse et son alimentation par sonde. L’infirmière n’a pas communiqué formellement sa conclusion à l’effet qu’un psychiatre devait évaluer la capacité du patient. Elle n’a rien consigné dans les notes d’évolution et n’a rien mentionné au médecin traitant ou au psychiatre de service. Elle a communiqué de façon plus informelle, soit par un formulaire psychiatrique du service des urgences, un message dans le dossier multidisciplinaire et un courriel envoyé à l’équipe soignante. Cela a entraîné des retards, au détriment du patient. L’organisme de réglementation professionnelle de l’infirmière l’a réprimandé pour communication insuffisante, compte tenu du besoin pressant de consultation psychiatrique6.
Dans un autre cas, un patient ayant des antécédents de néphropathie a intenté un procès alléguant qu’on ne lui à pas donné de renseignements adéquats lors de son congé de la salle d’urgence7. Le médecin de la salle d’urgence avait diagnostiqué une pyélonéphrite et lui avait prescrit des antibiotiques. Malheureusement, le dossier médical ne renfermait aucun plan de traitement ou d’instructions transmises au patient lors du congé. Le tribunal a conclu que les instructions verbales du médecin n’étaient pas adéquates, et qu’elles ont en partie contribuée à la nécessité d’une longue intervention chirurgicale et à des complications rénales. On peut se demander si en remplissant la section « suivi » du formulaire préimprimé de la salle d’urgence, le médecin aurait pu persuader la cour que des instructions satisfaisantes avaient été données au congé.
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- Puolitaipale Estate v Grace General Hospital, 2002 MBQB 150, [2002] MJ nº 220 (QL).
- Latin v Hospital for Sick Children, 2007 CanLII 34 (Ont Sup Ct), [2007] OJ nº 13 (QL).
- infoDROIT, Témoin expert (Vol. 15, nº 1, mars 2006).
- In the Matter of a Public Inquiry into the Death of Vincenzo Dominic Motta pursuant to the Fatality Inquiries Act, Calgary, Alberta, le 14 avril 2003, Recommandation nº 3.
- Comeau c Hôpital Régional de Saint-Jean (1999), 221 NBR (2e) 201(BR) au para 53, conf par 2001 NBCA 113, 244 NBR (2e) 201 (CA).
- Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, Décisions du comité de discipline : Tiers non nommé, « Failure to Exercise Clinical Judgment and to Follow-up Appropriately », The Standard, vol. 29, nº 2, juin 2004, p. 48.
- Georghiades v MacLeod, 2005 CanLII 14149 (Ont Sup Ct), [2005] OJ nº 1701 (QL).
N.B. : Dans ce bulletin, le genre féminin englobe le masculin, et inversement, quand le contexte s’y prête.
décembre 2010
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