Question
Je suis infirmière/infirmier et je travaille dans une clinique de santé communautaire. Je fournis des services à un patient qui, régulièrement, ne se présente pas à ses rendez-vous, refuse de prendre les médicaments prescrits conformément aux recommandations et a rejeté le plan de soins que je lui proposais. Je suis préoccupé(e) par son bien-être et son respect des attentes de la clinique en matière de communication praticien-patient. Le patient ne semble pas réceptif à entendre parler de ces préoccupations et devient de plus en plus agité lorsque nous communiquons. Le patient a également été verbalement agressif envers le personnel administratif. Notre clinique envisage une interruption de nos services. Cette décision est-elle appropriée?
Réponse
Lorsqu’une relation est établie entre une infirmière ou un infirmier et un patient, l’infirmière/infirmier devrait fournir des services et des soins de qualité au patient. Cependant, une infirmière ou un infirmier peut avoir des interactions difficiles avec un patient au point de devoir réexaminer la possibilité de poursuivre la relation. Il peut être difficile d’adapter les normes de pratique générales à une situation complexe et le personnel infirmier peut se poser des questions sur la meilleure façon de procéder. Nous avons fourni ci-dessous quelques facteurs qu’il serait prudent de prendre en compte dans une telle situation.
Collaboration et communication
Avant d’envisager un retrait ou une interruption des services infirmiers, il est important de déterminer si l’état de santé du patient peut contribuer à son comportement. En fait, certains problèmes médicaux ou troubles psychiatriques peuvent « altérer son jugement ou son état cognitif ».1 Il est également important de tenir compte des facteurs culturels et socio-économiques ou d’autres facteurs existants, comme le fait qu’il peut s’agir d’un patient appartenant à un groupe démographique vulnérable. Par exemple, un ordre professionnel réglementaire explique que les conflits entre un patient et une infirmière ou un infirmier peuvent s’intensifier si cette dernière ou ce dernier juge ou comprend mal qu’un client « a des attentes fondées sur une fausse perception de la différence culturelle ou d’une autre particularité » ou ne respecte pas les croyances ou les besoins ethnoculturels d’un client.2
Bien que la tenue de dossiers demeure un aspect clé de l’exercice de la profession infirmière, il existe des considérations particulières à consigner dans le dossier infirmier dans les cas où l’infirmière/infirmier travaille dans une situation difficile. Ces considérations varient en fonction du contexte clinique. Ces considérations peuvent inclure des conversations sur des rendez-vous ou des appels manqués, le refus des plans ou des soins proposés, toute violation d’un accord de comportement ou des politiques administratives concernant le traitement du personnel, des renvois refusés ou manqués vers des cliniques ou des programmes spécialisés, et toute conversation ayant eu lieu au sujet des raisons de l’interruption des services.
Gestion des attentes
La gestion des attentes des patients est également un aspect important de la prestation de services infirmiers. Par exemple, le patient peut demander des soins qui ne peuvent pas être fournis ou des traitements qui ne sont généralement pas recommandés pour son état, ou il peut s’attendre à ce que l’infirmière/infirmier réponde à ses préoccupations immédiatement, en dehors d’un rendez-vous prévu. Pour atténuer ce risque, il peut être avantageux de discuter de votre rôle et de vos responsabilités en tant que prestataire de soins ou spécialiste dès le début de la relation thérapeutique, de communiquer les risques et les avantages du traitement et de consigner toutes les interactions avec le patient à ce sujet.
Collaboration de l’employeur ou du superviseur
En présence d’une situation difficile, il peut être avantageux de discuter des circonstances avec votre superviseur ou votre employeur avant de prendre une décision concernant les soins au patient. S’il y a lieu, consultez les politiques de règlement des différends ou des conflits de votre employeur.3 Il peut également être avantageux d’envisager d’organiser une rencontre avec le patient et la direction de l’établissement pour tenter de résoudre le problème avant de retirer les services infirmiers. Dans toute correspondance ou tout message final visant à confirmer l’arrêt des services, demandez-vous s’il serait plus approprié que la lettre provienne de la clinique plutôt que de l’infirmière/infirmier personnellement.
Comportement violent ou agressif
Malgré tous les efforts de l’infirmière/infirmier, il arrive parfois qu’un patient ou un client fasse preuve d’un comportement violent ou agressif. Bien que les infirmières/infirmiers aient un devoir de diligence envers leurs patients, il est important d’équilibrer leur sécurité personnelle avec les besoins du client dans des situations où le fait de ne pas fournir de soins présenterait un plus grand risque pour le patient que pour l’infirmière/infirmier.4 Cela pourrait être le cas pour un client dont l’état entraîne des changements de personnalité ou un comportement combatif extrême.5
Bien que cela puisse s’avérer difficile, il est généralement bénéfique de rester calme et d’éviter les confrontations. Avant de choisir d’interrompre les soins, essayez de communiquer avec le patient et de lui communiquer que son comportement est inapproprié. Il est important d’avertir la direction de la situation et de collaborer avec elle pour réduire au minimum les risques que la situation représente pour vous. Si les interventions ne peuvent pas être effectuées comme demandé, les infirmières/infirmiers devraient en informer la direction, ainsi que le professionnel le plus responsable travaillant avec le patient.
En revanche, si le comportement entraîne une agression ou une menace d’agression contre l’infirmière/l’infirmier ou d’autres parties, il est préférable de mettre fin à la situation et de communiquer avec les autorités compétentes.
Fin de la relation entre l’infirmière/infirmier et le client
Pour un professionnel des soins de santé, mettre fin aux services infirmiers devrait être un dernier recours. Pourtant, vous pouvez encore être confronté(e) à une situation difficile dans laquelle vous estimez qu’il est préférable pour vous et le patient d’interrompre les services infirmiers que vous fournissez. De telles situations peuvent comprendre une violation des limites de la relation thérapeutique, un comportement agressif ou menaçant, ou l’absence de réaction de la part du patient. Cependant, une infirmière ou un infirmier peut se demander si l’interruption de services est justifiée. Dans une telle situation, il serait prudent de consulter les lignes directrices de l’organisme de réglementation des soins infirmiers et les politiques de l’employeur sur l’abandon d’un patient et l’obligation de fournir des soins pour que vous soyez entièrement informés de vos droits et de vos responsabilités.
Les infirmières/infirmiers ont l’obligation professionnelle et légale de fournir aux clients des soins sûrs, appropriés et conformes à l’éthique, tandis que le client a le droit de recevoir des soins.6 Le Code de déontologie des infirmières et infirmiers autorisés de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et de nombreux organismes de réglementation de la profession infirmière expliquent que [TRADUCTION] « [l]es infirmières et infirmiers… respectent les décisions d’une personne, y compris les choix en matière de mode de vie ou de traitements qui ne sont pas favorables à une bonne santé, et poursuivent la prestation des soins sans porter de jugement. » Cependant, cela ne veut pas dire que vous devez vous exposer à un niveau de risque inacceptable.7
En règle générale, l’interruption des services professionnels après avoir accepté une affectation ou établi une relation thérapeutique avec le client peut être considérée comme une faute professionnelle, sauf dans les cas suivants :
- le client demande l’interruption des services;
- une alternative convenable ou un service remplacement sont organisés;
- une possibilité raisonnable a été accordée au client ou au fournisseur de travail de l’infirmière/infirmier pour obtenir des services alternatifs ou de remplacement.8
Refuser de prendre soin d’un patient après en avoir accepté la responsabilité sans transférer les soins à un autre fournisseur ou sans informer les superviseurs concernés afin qu’ils puissent trouver un remplaçant pourrait être considéré comme une forme d’abandon du patient.9 Vous pouvez également être tenu(e) de négocier avec le patient ou l’employeur pour [TRADUCTION] « élaborer un plan mutuellement acceptable pour le retrait du service ».10
Il est important de consigner soigneusement les facteurs qui mènent à la décision de mettre fin à une relation avec le client, y compris toute communication avec le client. De plus, si vous décidez de mettre fin aux services, il serait prudent de vous assurer que les besoins immédiats en matière de suivi du patient sont satisfaits. Par conséquent, vous pourriez envisager de continuer à fournir des services provisoires jusqu’à ce que le patient ait trouvé un nouveau prestataire de soins.
- Pour obtenir plus de renseignements sur la fin d’une relation entre infirmière praticienne/infirmier praticien (IP) et un client, veuillez consulter Question juridique : Mettre fin à la relation thérapeutique IP-client.
Mettre fin à la relation infirmière/infirmier-client peut être compliqué et peut même entraîner des conséquences telles que des accusations d’abandon du client auprès de votre organisme de réglementation de la profession infirmière. Il est également important de tenir compte de la situation personnelle de vos patients. Il serait prudent de demander un avis juridique avant de prendre une décision qui pourrait donner lieu à une plainte et à une enquête auprès de votre organisme de réglementation. N’oubliez pas que la loi s’attend à ce qu’une professionnelle ou un professionnel de la santé réglementé respecte les normes de la profession, qu’elle ou il exerce de manière éthique et qu’elle ou il agisse de manière raisonnable et prudente dans les circonstances, ce qui exige de faire preuve de prévoyance dans l’intérêt du patient.
Les bénéficiaires de la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada (SPIIC) peuvent communiquer avec la Société en composant le 1-800-267-3390 pour parler à l’un de ses conseillers juridiques. Tous les appels sont confidentiels.
- Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, La prévention et la gestion des conflits, 2018.
- Ibid
- Certains organismes de réglementation peuvent également avoir des lignes directrices à ce sujet. Par exemple, le British Columbia College of Nurses and Midwives (en anglais seulement) : https://www.bccnm.ca/RPN/learning/professional/Pages/ResolvingProfessionalPracticeProblems.aspx
- Nova Scotia College of Nursing, Abandonment Practice Guideline, juillet 2022 (disponible en anglais seulement).
- Ibid
- British Columbia College of Nurses and Midwives, Duty to Provide Care (disponible en anglais seulement).
- British Columbia College of Nurses and Midwives, Defining client abandonment (disponible en anglais seulement).
- Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, \ Responsabilité en cas de refus d’affectation ou d’interruption des services infirmiers, 2023; British Columbia College of Nurses and Midwives, Defining client abandonment (disponible en anglais seulement); Nova Scotia College of Nursing, Abandonment Practice Guideline, juillet 2022 (disponible en anglais seulement).
- Ibid
- Nova Scotia College of Nursing, Abandonment Practice Guideline, juillet 2022 (disponible en anglais seulement).
Février 2024
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