Les faits sont au cœur de toute décision judiciaire. En effet, avant de pouvoir appliquer la loi pertinente et de rendre une décision, il faut que les faits de la question de droit aient été évalués par la cour. Pour déterminer les faits d’une affaire, les parties doivent présenter des éléments de preuve selon les règles et les procédures établies par la législation et la jurisprudence. La règle de base de la présentation de la preuve est que les renseignements fournis ne peuvent être admis en preuve que lorsqu’ils sont pertinents à une question substantielle dans l’action en justice. D’autres règles de présentation de la preuve portent sur l’exclusion d’éléments de preuve par la cour de justice ou par le tribunal judiciaire. Le présent article d’InfoDROIT donne un aperçu du rôle des éléments de preuve lors d’un procès ou d’une audience devant un tribunal.
Types d’éléments de preuve
Les éléments de preuve sont présentés devant une cour de justice ou un tribunal judiciaire de diverses façons, les principales étant les dépositions orales ou les témoignages de vive voix, les preuves écrites, les preuves matérielles et les preuves d’experts (les opinions des témoins experts).
Témoignages de vive voix
Les témoignages de vive voix sont des renseignements fournis verbalement par les parties lors d’une audience. Ce type de preuve peut également être fourni par des témoins qui font leur déposition à la demande des parties concernées par l’affaire.1 Les personnes qui fournissent un témoignage de vive voix seront invitées à prêter serment ou à faire une déclaration solennelle attestant que les renseignements qu’elles communiquent sont véridiques. La rupture de ce serment peut avoir des conséquences juridiques pour la personne qui fournit la preuve orale. Après avoir prêté serment ou avoir fait une déclaration solennelle, la personne qui témoigne sera interrogée sur ce qu’elle a vu ou vécu par rapport à la question juridique examinée au procès. Ces questions aideront le juge, le jury ou le tribunal à établir les faits et permettront également de vérifier la fiabilité des autres éléments de preuve présentés.2
Preuves écrites
Les preuves écrites prennent généralement l’une des deux formes suivantes : la preuve par affidavit ou la preuve documentaire. La preuve par affidavit, comme le témoignage de vive voix, est un élément de preuve fourni sous serment ou déclaration solennelle. Les affidavits, comme les dépositions orales, ne doivent contenir que les faits pertinents dont la personne qui les fournit a eu personnellement connaissance.3 La preuve documentaire est une catégorie de preuve beaucoup plus vaste, qui comprend généralement tout document physique ou électronique contenant des renseignements. Dans le cadre d’un procès ou d’une audience, les parties sont tenues de communiquer tous les documents pertinents et d’en permettre l’accès à l’autre partie ainsi qu’à la cour de justice ou au tribunal judiciaire.4
Dans le cadre d’un procès ou d’une audience mettant en cause des professionnels de la santé, le dossier de santé du patient peut s’avérer extrêmement important lors de la résolution d’une action en justice. Le dossier du patient doit contenir la chronologie factuelle des événements puisqu’il sert d’outil de communication aux fournisseurs de soins de santé, dans l’intérêt du patient. La cour de justice qui doit évaluer la fiabilité des notations inscrites dans le dossier du patient utilise les critères suivants : les notations relatives aux soins fournis doivent être contemporaines; elles doivent avoir été notées par la personne qui a une connaissance directe des événements; et elles doivent avoir été rédigées par une personne qui était dans l’obligation de noter ces événements.5 Pour se rafraîchir la mémoire, un témoin ou une partie à la cause peut se préparer à faire sa déposition en révisant les documents comme, par exemple, le dossier du patient.
Preuves matérielles
Les preuves matérielles désignent des objets qui sont présentés à l’audience pour aider à établir les faits. Par exemple, une éponge ou un instrument conservé au cours d’une intervention chirurgicale qui est ensuite récupéré et présenté en preuve au cours d’un procès alléguant une négligence dans la conduite du dénombrement des corps étrangers constituerait une preuve matérielle.
Preuves d’experts
Contrairement aux témoins factuels, les témoins experts déposent sous serment en donnant leur avis au sujet d’un élément de l’action en justice. Ils ne sont pas en mesure de faire de déposition au sujet de ce qui s’est produit à un moment donné parce qu’ils n’étaient pas présents. Lors de procès ou d’audiences médicales, le dossier du patient constitue souvent une source principale de données qui permet aux témoins experts de former leur opinion en fonction des éléments de preuve qu’il contient. Si une cour de justice vient à décider que les données du dossier ne sont pas fiables, cela remet en question la fiabilité des opinions des experts puisque le fondement de leurs opinions a été jugé défectueux.
Élément de preuve admissible
Afin d’être admissibles, les éléments de preuve doivent être fiables, pertinent à une question en litige dans l’action en justice et ne pas être assujettis à une règle d’exclusion en matière d’éléments de preuve. La règle contre la preuve par ouï-dire est un exemple de règle d’exclusion, car le ouï-dire est généralement un élément de preuve inadmissible. Le ouï-dire est une déclaration faite par une personne qui ne sera pas citée comme témoin et qui est répétée au tribunal pour établir la véracité du contenu de la déclaration.6
Il existe quelques exceptions à la règle du ouï-dire. La présentation d’une déclaration extrajudiciaire qui vise à établir le fait que la déclaration a été faite ne constitue pas une preuve par ouï-dire. Ainsi, une infirmière ou un infirmier qui témoigne peut tout simplement indiquer ce qui lui a été dit et par qui. La cour en justice se prononcera ensuite sur l’admission de cette preuve par ouï-dire, après que les avocats auront présenté leurs arguments juridiques sur la recevabilité de cette preuve.
Poids
Dès qu’une cour de justice a décidé que des éléments de preuve sont admissibles, elle est tenue d’établir leur poids. En d’autres termes, elle doit évaluer leur importance en relation avec d’autres éléments de preuve.7 Prenons, par exemple, le dossier de santé du patient. À titre d’exception à la règle du ouï-dire, les renseignements contenus dans le dossier d’un patient sont généralement acceptés comme preuve prima facie (présumée jusqu’à preuve du contraire) des faits qui y sont énoncés.8 Toutefois, cette présomption peut être contestée et les renseignements figurant sur le dossier peuvent se voir accorder moins de poids s’il existe des indices montrant qu’ils ne sont pas entièrement fiables, notamment lorsqu’il peut être établi que les renseignements pertinents aux soins du patient ont été omis, que les heures et/ou les événements n’ont pas été décrits avec précision ou que le contenu du dossier a été modifié.
Formalité de l’acte judiciaire et règles relatives aux éléments de preuve
Les lois provinciales et fédérales régissent les actions en justice et établissent les règles de procédures. Par exemple, l’exigence relative à la divulgation précoce des documents pertinents aux diverses parties vise à encourager la résolution précoce du litige. Les règles de procédure et les règles applicables en matière de preuve sont moins formelles lorsqu’il s’agit d’un tribunal administratif (par exemple, le tableau qui prend connaissance d’une action portant sur des sanctions professionnelles), mais elles existent quand même.
Conservation de la preuve
La résolution d’un litige juridique peut avoir lieu des années après l’incident à l’origine du litige. Bien que le dossier de santé du patient puisse constituer la meilleure preuve que les soins infirmiers appropriés ont été dispensés, celui-ci ne peut être consulté et utilisé qu’en conformité avec les lois en vigueur. En principe, vous devez demander l’autorisation d’accéder au dossier et de l’utiliser aux fins de défense en droit si vous n’êtes pas le dépositaire du dossier de santé. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter l’article « Êtes-vous dépositaire des dossiers de santé? »
Conserver vos preuves en écrivant ce que vous savez au sujet de l’événement permet de s’assurer qu’elles ne se perdent pas ou que leur contenu ne changera pas avec le temps. Des éléments de preuve de haute qualité auront un effet positif sur la crédibilité de l’infirmière ou de l’infirmier qui les fournit. Pour conserver des éléments de preuve tout en préservant le secret professionnel, il faut rédiger un document et l’adresser à un avocat en prévision d’une poursuite judiciaire. La Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada peut aussi aider une infirmière ou un infirmier à conserver ses éléments de preuve par écrit. Par ailleurs, il se peut qu’il soit nécessaire de conserver des preuves matérielles, telles que les vêtements d’un patient ou des projectiles, en cas de poursuite judiciaire ultérieure. Il est possible que les établissements de santé aient adopté une politique de conservation des preuves matérielles.
Les bénéficiaires de la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada (SPIIC) peuvent communiquer avec la Société en composant le 1-800-267-3390 pour parler à l’un de ses conseillers juridiques. Tous les appels sont confidentiels.
- ‘Evidence in Court: Oral Testimony’ (Centre for Public Legal Education Alberta, 2023), en ligne : CPLEA <https://www.cplea.ca/wp-content/uploads/GTCS_EvidenceOralTestimony.pdf> (en anglais seulement).
- ‘Discipline Hearings Information for Witnesses’ (Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, 2016), en ligne : OIIO <https://www.cno.org/globalassets/docs/ih/42013_infowitnesses.pdf> (en anglais seulement).
- Katz (faillite), Re, 2005 CanLII 30874 (ON SC), en ligne : CanLII <https://canlii.ca/t/1ljg6> (en anglais seulement); Stevens and O’Connell et al, 2013 ONSC 2236 (CanLII), en ligne : CanLII <https://canlii.ca/t/fx3fx> (en anglais seulement).
- 30.02 Rules of Civil Procedure RRO 1990, Reg. 194; Documents as Evidence, Cour suprême de la C.-B. (2023), en ligne : Cour suprême de la C.-B. <https://supremecourtbc.ca/civil-law/trial/documents-as-evidence> (en anglais seulement).
- Ares c. Venner, 1970 CanLII 5 (CSC), en ligne : CanLII <https://www.canlii.org/fr/ca/scc/doc/1970/1970canlii5/1970canlii5.html>.
- R c. Evans, 1993 CanLII 102 (CSC), [1993] 2 RCS 629, en ligne : CanLII <https://www.canlii.org/fr/ca/scc/doc/1993/1993canlii102/1993canlii102.html>.
- “Evidence Basics”, (2023), en ligne : Cour suprême de la C.-B. <https://supremecourtbc.ca/civil-law/trial/evidence-basics> (en anglais seulement).
- Ares c Venner, 1970 CanLII 5 (CSC), en ligne : CanLII <https://www.canlii.org/fr/ca/scc/doc/1970/1970canlii5/1970canlii5.html>.
N.B. : Dans ce bulletin, le genre féminin englobe le masculin, et inversement, quand le contexte s’y prête.
décembre 2009, révisé en mars 2024
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.