Les erreurs relatives à l’administration de médicaments sont relativement courantes en pratique infirmière et peuvent entraîner des complications mettant la vie des patients en danger. Selon un rapport sur la santé rédigé par Statistique Canada, près d’un cinquième (19 %) des infirmières et des infirmiers autorisés employés dans les hôpitaux ont indiqué que des erreurs dans l’administration des médicaments impliquant des patients dont ils et elles avaient la garde s’étaient produites occasionnellement ou fréquemment au cours de la dernière année.1 Par ailleurs, les erreurs relatives à l’administration des médicaments constituent les erreurs les plus courantes dans le domaine de la santé, après les erreurs chirurgicales.2 Bien que les infirmières et infirmiers soient formés pour administrer des médicaments, des erreurs peuvent se produire sans égard à leurs années d’expertise ou d’éducation.3 Les erreurs peuvent aller de simples erreurs de calcul impliquant un professionnel de la santé à des erreurs complexes comportant plusieurs facteurs contributifs. Ces incidents peuvent avoir de graves conséquences pour les patients ainsi que des répercussions juridiques pour les infirmières et les infirmiers concernés. Cependant, il existe de nombreuses façons d’atténuer les erreurs liées à l’administration de médicaments, notamment le respect des normes professionnelles applicables, la connaissance des conséquences, et l’utilisation de techniques de gestion des risques lors de l’administration des médicaments.
Quelles normes professionnelles s’appliquent à l’administration des médicaments?
Le champ de pratique et les responsabilités d’une l’infirmière ou d’un infirmier en ce qui a trait à l’administration des médicaments sont habituellement régis selon les normes professionnelles en soins infirmiers établies par l’organisme de réglementation professionnelle compétent de sa province ou son territoire. Une infirmière ou un infirmier doit confirmer que l’activité s’inscrit dans son champ de pratique et les tâches qui lui sont assignées avant de terminer l’intervention. Il est également important de consulter ces normes de pratique lorsqu’elles sont disponibles, si des questions ou des préoccupations relatives à l’administration de médicaments surviennent.4
Les établissements de santé ont généralement des politiques et des procédures concernant l’administration des médicaments, leur documentation et la déclaration d’erreur relatives à l’administration de médicaments ou d’évènements indésirables liés à cette dernière. Par exemple, un organisme de réglementation en soins infirmiers indique que: les employeurs sont responsables de fournir le soutien organisationnel et les systèmes nécessaires à l’administration sécuritaire des médicaments par les infirmières et les infirmiers, y compris le bilan comparatif des médicaments et l’appui du signalement volontaire des incidents et des quasi-accidents liés aux médicaments.5
Une fois que le médicament est prescrit, une aide commune à la bonne administration constitue la liste des « droits d’administration de médicaments », laquelle comprend généralement les principes suivants : le bon médicament (produit), la bonne dose, le bon patient, la bonne voie, le moment adéquat et la bonne fréquence. Grâce à l’évolution en recherche médicale, les droits sont devenus plus exhaustifs et peuvent désormais inclure des principes tels que la bonne documentation, la bonne raison, la bonne éducation du patient, le bon examen et la bonne évaluation, et le droit du patient de refuser de prendre ce médicament.6
Quelle est la procédure à suivre généralement en cas d’erreur liée à des médicaments?
Premièrement, il est important de signaler l’erreur le plus tôt possible afin de s’assurer que les mesures appropriées sont prises pour traiter le patient affecté. Un cas récent nous rappelle que la personne qui a commis l’erreur doit être honnête et la signaler afin que le patient puisse être soigné dans les plus brefs délais.7 Dans ce cas, l’infirmière a été congédiée car elle a manqué à ses obligations professionnelles fondamentales et mis la vie de plusieurs de ses patients en danger en administrant les mauvais médicaments et en mentant au sujet de ses actes.8 Chaque employeur peut disposer de différents protocoles en matière de signalement ; les infirmières et infirmiers devraient donc consulter celles-ci une fois que le patient s’est vu prodiguer les soins appropriés.
Quelles sont les conséquences possibles d’une erreur?
Lorsqu’une erreur est décelée, la priorité est d’assurer le traitement approprié du patient, de signaler la situation au fournisseur de soins responsable et à l’employeur, et de remplir tout rapport d’incident pertinent. Les conséquences professionnelles découlant d’une erreur dans l’administration d’un médicament dépendent d’un certain nombre de facteurs, y compris le rendement au travail antérieur, le degré de préjudice causé au patient et la réponse à l’erreur. Voici ce qui pourrait se produire :
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- Examen de la sécurité du patient ou contrôle de la qualité
Les infirmières et les infirmiers doivent connaître les interventions, les effets secondaires, les interactions médicamenteuses et les contre-indications des médicaments. L’employeur peut procéder à un examen interne pour établir comment et pourquoi l’erreur s’est produite afin d’améliorer l’environnement ou le système dans lequel le personnel infirmier administre les médicaments.9 - Mesures disciplinaires
Un employeur peut exiger qu’une infirmière ou qu’un infirmier améliore ses compétences et, dans certaines circonstances, une infirmière ou un infirmier peut être réprimandé, suspendu ou congédié. - Discipline professionnelle
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- Le permis de l’infirmière ou l’infirmier peut également être suspendu ou révoqué. Bien que la mesure disciplinaire soit généralement proportionnelle à l’inconduite, il n’y a pas de formule établie pour prédire le résultat. Voici quelques exemples de telles situations :
- Une infirmière a reçu une suspension de six mois et une réprimande après plusieurs allégations concernant la distribution et la documentation inadéquate de fentanyl et de méthadone, et le défaut de signaler des erreurs liées aux médicaments.10
- Dans un cas récent, le permis d’un infirmier a été révoqué après de nombreuses allégations d’erreurs liées aux médicaments. Il s’agissait notamment de ne pas documenter les erreurs, de rayer l’entrée d’une autre infirmière dans un dossier d’administration de médicaments et de laisser le dossier de soins de santé d’un patient dans une cellule qu’il partageait avec un autre détenu.11
- Le permis de l’infirmière ou l’infirmier peut également être suspendu ou révoqué. Bien que la mesure disciplinaire soit généralement proportionnelle à l’inconduite, il n’y a pas de formule établie pour prédire le résultat. Voici quelques exemples de telles situations :
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- Examen de la sécurité du patient ou contrôle de la qualité
- Poursuites civiles
- Un patient ou sa famille peut intenter une poursuite au civil contre l’infirmière ou l’infirmier et/ou son employeur pour négligence si une erreur liée aux médicaments a lieu. Une poursuite au civil est possible même si une infirmière ou un infirmier n’est pas reconnu coupable de négligence criminelle, car le fardeau de la preuve est différent.
- Dans l’un des cas de négligence marquants du Canada lié à des erreurs de médicaments, une erreur fatale s’est produite lorsqu’un médecin a demandé à une infirmière d’obtenir de la novocaïne en vue d’en injecter dans le pouce d’un patient, mais ce dernier a plutôt reçu de l’adrénaline. L’infirmière avait demandé le médicament auprès d’une collègue travaillant dans un autre département. Elle a apporté au médecin la fiole que la deuxième infirmière lui avait remise, puis le médecin a administré le médicament. Ni les infirmières, ni le médecin n’avaient regardé l’étiquette de la fiole. Le tribunal a jugé que les infirmières avaient toutes deux été négligentes, et a conclu que le médecin n’était pas négligent parce qu’il était normal qu’il se fie à la compétence professionnelle des infirmières, qui auraient dû vérifier l’étiquette.12
- Une considération importante:
- Une infirmière ou un infirmier peut faire l’objet de mesures disciplinaires ou de réprimandes même si le patient n’a pas subi de préjudice indu, comme cela s’est produit à de nombreuses reprises au Canada. Par exemple, dans une affaire où une infirmière a administré le mauvais type de sang, le tribunal a statué que le défendeur ne pouvait accepter aucun crédit pour le fait que le patient n’avait subi aucun préjudice, car la nature de son infraction est la même que ce qu’elle aurait été si le mauvais sang s’était révélé fatal pour le patient.13
Quelles considérations peuvent être prises pour tenter de diminuer les risques d’erreurs liées aux médicaments?
Les infirmières et les infirmiers peuvent vouloir considérer les consignes suivantes :
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- Portez une attention particulière à tous les aspects de l’administration des médicaments (voir ci-dessus pour les « droits »):
- Connaissez et suivez les politiques de l’établissement relatives à l’administration des médicaments ;
- Mettez en pratique vos compétences informatiques ou utilisez une calculatrice et, lorsque la politique l’exige, demandez à un autre professionnel de la santé de contre-vérifier vos calculs de façon autonome;14
- Renseignez-vous sur les médicaments que vous devez administrer, les conséquences et les interactions qui peuvent se produire en fonction des antécédents médicaux du patient;
- N’oubliez pas que les infirmières et les infirmiers doivent immédiatement signaler toutes les réactions indésirables des médicaments à leur employeur. En fait, les établissements de santé sont maintenant tenus de signaler à Santé Canada les réactions graves aux médicaments et les incidents liés aux instruments médicaux.15
- Soyez à jour quant aux pratiques, aux équipements et aux techniques actuels;
- N’administrez pas de médicament qui a été préparé par une autre personne;
- En fait, de nombreuses lignes directrices sur les médicaments indiquent que les infirmières et les infirmiers ne devraient administrer que des médicaments qu’ils ont préparés eux-mêmes.16 Veuillez garder à l’esprit qu’il s’agit d’une règle générale qui ne s’applique pas en cas d’urgence. Une autre exception possible est lorsque le médicament a été préparé par une pharmacie;17
- Obtenez des précisions sur les ordonnances si elles sont incomplètes, illisibles ou contiennent des abréviations non approuvées;
- Posez des questions sur les ordonnances qui ne semblent pas appropriées (par exemple lorsque la dose semble être plus élevée que d’habitude);
- Consignez au dossier du patient les détails sur les médicaments seulement lorsque c’est vous qui les administrez, conformément aux lignes directrices de votre employeur, sauf si vous êtes désigné pour enregistrer les données dans une situation d’urgence;
- Faites preuve de prudence et de pensée critique lors de la transcription de prescriptions;
- Vérifiez le consentement éclairé du patient.
Une autre stratégie visant à réduire la possibilité d’une erreur liée aux médicaments est connue sous le nom de bilan comparatif des médicaments. Il s’agit d’un processus formel d’obtention d’une liste précise des médicaments actuels d’un patient et d’utiliser cette liste pour rédiger les ordonnances d’admission, de transfert et de sortie afin de réduire l’incidence des divergences dans les ordonnances de médicaments.18 Cela permettra de s’assurer que les médicaments qui sont ajoutés, modifiés ou abandonnés sont soigneusement évalués, ce qui permettra de prendre la décision la plus appropriée pour le patient.19
Principaux points à retenir
Il arrive que des erreurs liées aux médicaments se produisent, mais la compréhension des principes liés à l’administration des médicaments peut aider à atténuer les risques ou les conséquences possibles. Il est préférable d’agir en faisant preuve de prudence et de suivre les normes avec vigilance lorsque vous administrez des médicaments. Si vous commettez une erreur, consignez au dossier du patient le médicament administré, et signalez immédiatement l’incident au médecin du patient et à votre employeur. Remplissez tous les documents exigés par votre employeur.
Avez-vous des questions précises? Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent le 1-800-267-3390 pour parler avec un conseiller juridique de la SPIIC. Tous les appels sont confidentiels.
- Kathryn Wilkins and Margot Shields, Correlates of medication error in hospitals, révisé en 2015.
- Ibid.
- Ibid.
- Veuillez consulter la ressource adaptée à votre province ou territoire de pratique.
- British Columbia College of Nursing Nurses and Midwives, Medication Administration, 2021.
- Saskatchewan Registered Nurses Association, Medication Management for RNs: A Patient Centered Decision-making Framework, septembre 2015.
- Baptiste c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 127 (CanLII)
- Ibid.
- Les infirmières, infirmiers et autres professionnels de la santé peuvent signaler de manière confidentielle les incidents médicamenteux, y compris les accidents évités de justesse par les établissements de santé, les praticiens individuels, les consommateurs, les patients et les pharmacies, à l’Institut pour la sécurité des médicaments aux patients du Canada. Les établissements de santé peuvent signaler les incidents médicamenteux au Système national de déclaration des accidents et incidents par l’entremise de l’Institut canadien d’information sur la santé. Ces deux programmes font partie du Système canadien de déclaration et de prévention des incidents médicamenteux. Les infirmières et infirmiers devraient consulter la politique de leur établissement de santé avant de faire ceci.
- College of Nurses of Ontario c Taylor, [2013] CanLII 93851 (ON CNO).
- College of Nurses of Ontario c. Freyer, [2018] CanLII 90852 (ON CNO).
- Bugden c. Harbour View Hospital et al. [1947] 2 D.L.R. 338 (N.S.S.C.).
- United Nurses of Alberta v Alberta Health Services (Brown Grievance), [2018] AGAA No 10
- De nombreux établissements exigent de doubles contrôles indépendants pour la préparation et/ou l’administration de médicaments à haut risque, tels que ceux identifiés par l’Institute for Safe Medication Practices. Par exemple, la liste des médicaments à haut risque dans les établissements de soins intensifs est disponible à l’adresse suivante: https://www.ismp.org/recommendations/high-alert-medications-acute-list#:~:text=High%2Dalert%20medications%20are%20drugs,clearly%20more%20devastating%20to%20patients.
- Santé Canada, Signaler un effet secondaire : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/medeffet-canada/declaration-effets-indesirables.html
- College & Association of Registered Nurses of Alberta, Medication Management Standards, mars 2021: “1.19 only administer medications prepared by themselves or a pharmacist (or pharmacy technician), except in urgent or emergent circumstances when the medication may be prepared by another health care professional as outlined in employer requirements”;
- Ibid.
- Institut canadien pour la sécurité des médicaments aux patients, Module 14 : Bilan comparatif des médicaments, 2017.
- Institut canadien pour la sécurité des patients, Hospital Harm Improvement Resource: Medication Incidents, avril 2016.
Novembre 2021
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.