Dans le cadre de leur travail, des infirmières ou des infirmiers pourraient interagir avec la police de diverses manières. On pourrait leur demander de répondre à des demandes de renseignements de la police ou de fournir une copie du dossier d’un patient parce qu’ils ont évalué des patients qui sont des victimes alléguées ou des auteurs présumés de crimes. Dans certains cas, la conduite d’une infirmière ou d’un infirmier ou de ses collègues pourrait faire l’objet d’une enquête policière. De plus, il y a des situations dans lesquelles l’infirmière ou infirmier pourrait, dans l’intérêt du patient ou d’autres personnes, envisager d’entrer en contact avec la police pour déclarer des renseignements relatifs à un patient. Les infirmières ou infirmiers peuvent alors faire face à un conflit entre leur obligation de protéger la confidentialité du patient et leur engagement en faveur du bien public.
Le système de justice pénale est complexe, et son intersection avec les soins de santé peut susciter d’épineuses questions juridiques, professionnelles et éthiques. Les infirmières et infirmiers devraient donc comprendre leur obligation continue de protéger la confidentialité du patient, les situations dans lesquelles ils peuvent divulguer des renseignements personnels sur la santé (RPS) à la police, quels sont les renseignements qu’ils devraient divulguer, les situations dans lesquelles ils doivent aiguiller une enquête policière vers un niveau hiérarchique supérieur de leur organisme, et les conditions dans lesquelles il serait bien avisé de refuser de répondre aux questions de la police.
Obligation du respect de la confidentialité
Les infirmières et infirmiers comprennent qu’ils ont une obligation de respecter la confidentialité de leurs patients. La divulgation des RPS d’un patient sans le consentement de ce dernier peut mener à des actions au civil contre l’infirmière ou infirmier, à une plainte à l’employeur de l’infirmière ou infirmier, à une plainte à l’organisme de réglementation de l’infirmière ou l’infirmier, à une plainte au commissaire à la protection de la vie privée, ou à une combinaison de ces actions.
En général, les lois sur la protection des renseignements personnels considèrent les professionnels des soins de santé comme étant des « dépositaires » des RPS, sauf lorsqu’ils sont des employés d’un autre dépositaire, tels qu’un hôpital. Le pouvoir de divulguer des renseignements à la police relève généralement du dépositaire. Ce pouvoir peut être délégué à un agent de protection de la vie privée ou à des employés sélectionnés. Les infirmières ou infirmiers qui fournissent des services professionnels en tant qu’employés ne sont parfois pas autorisés à prendre des décisions sur la divulgation de RPS à la police. Les infirmières ou infirmiers qui pratiquent leur profession en tant qu’employés et qui ne sont pas désignés par leur employeur pour répondre à des demandes d’accès aux RPS devraient consulter le dépositaire délégué de leur organisme lorsqu’il est question de divulguer des RPS à la police. Les infirmières ou infirmiers qui sont dépositaires de RPS ou qui sont autorisés à prendre des décisions sur l’accès aux RPS au nom d’un dépositaire devraient s’assurer de comprendre clairement les circonstances dans lesquelles des renseignements peuvent être divulgués en vertu des lois sur la protection des renseignements personnels et de toute politique ou directive applicable de l’employeur.1
Exceptions à l’obligation du respect de la confidentialité
Il existe des exceptions précises autorisant la divulgation de RPS en l’absence du consentement explicite du patient. On recommande aux infirmières et infirmiers qui offrent leurs services en tant qu’employés de veiller à bien comprendre la manière dont ces exceptions s’appliquent dans leur région de compétence, et de s’assurer qu’ils ont l’autorisation de les invoquer. Ces exceptions comprennent :
Ordonnances d’un tribunal (mandats de perquisition et assignations à témoigner)
Un mandat de perquisition est une ordonnance écrite délivrée par un juge qui confère à la police l’autorisation légale d’entrer dans un certain lieu pendant une période donnée pour rechercher et saisir des éléments de preuve, ce qui peut comprendre des dossiers de santé. Un fournisseur de soins de santé qui a la garde ou le contrôle des renseignements visés par un mandat de perquisition a l’obligation légale de fournir les parties des dossiers qui sont demandées. Seuls les renseignements ou documents précis figurant dans le mandat devraient être divulgués, et le dépositaire conserve généralement une copie des RPS ayant été fournis en vertu du mandat afin qu’un dossier complet demeure disponible aux fins de traitement du patient.
Une assignation à témoigner est une instruction ou une convocation par écrit exigeant la présence d’une personne en tant que témoin dans le cadre d’une action en justice. Le document d’assignation à témoigner indiquera le lieu, la date et l’heure auxquels un témoignage sur un certain sujet est attendu. Le défaut d’obéir à une assignation à témoigner expose l’infirmière ou infirmier à des conséquences juridiques, dont l’arrestation. Une assignation à témoigner n’autorise habituellement pas une infirmière ou un infirmier à divulguer des RPS sans le consentement du patient avant de témoigner dans le cadre de l’action en justice.
Sécurité publique
Dans l’exercice de leurs fonctions, les infirmières ou infirmiers peuvent obtenir accès à des renseignements qui pourraient présenter un intérêt pour les forces de l’ordre. Il existe un nombre limité de circonstances dans lesquelles il est permis pour les professionnels de la santé de prendre des mesures relatives à ces renseignements. Par exemple, les lois sur la protection des renseignements personnels en matière de santé autorisent généralement les dépositaires à divulguer des RPS lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de croire que cette divulgation est nécessaire pour éliminer un risque de décès ou de préjudices corporels graves. Par exemple, la Health Information Act de l’Alberta autorise la divulgation en cas de « menace claire et évidente de préjudices corporels graves ou de décès » [traduction]. Cette exception est également reconnue en common law et dans les codes de déontologie de la profession infirmière.2 Quoiqu’elle soit à présent bien reconnue, cette exception est souvent la plus difficile à appliquer.
Toute divulgation qui dépasse les circonstances strictes définies par la loi applicable peut entraîner une plainte pour atteinte à la vie privée ainsi que la perte de la confiance thérapeutique du patient. En contrepartie, le défaut de divulguer peut entraîner une plainte alléguant que des efforts suffisants n’ont pas été déployés pour prévenir un événement dévastateur. Il serait bien avisé de demander des conseils juridiques avant de décider de divulguer ou non des RPS pour prévenir des préjudices à l’endroit d’une personne. Les politiques de l’employeur peuvent également offrir des conseils d’orientation à cet effet.
Obligations juridiques
Les lois régissant les RPS contiennent des dispositions qui autorisent expressément la divulgation de RPS lorsque d’autres lois l’exigent.3 Des dispositions d’autres lois peuvent exiger la divulgation à la police ou mettre en cause la police.
Par exemple, les installations de soins de santé dans certaines régions de compétence ont également l’obligation de déclarer à la police des renseignements sélectionnés sur les patients qui se présentent avec des blessures par balle et/ou à l’arme blanche.4 L’obligation de signalement relève de l’installation de soins de santé, et non du fournisseur de soins de santé individuel. Les infirmières ou infirmiers qui sont des employés devraient s’assurer de respecter les politiques de l’établissement quant à ces obligations de signalement.
La plupart des provinces et territoires canadiens ont également adopté des lois qui obligent les professionnels des soins de santé à déclarer les cas soupçonnés de maltraitance et de négligence des enfants. Cette obligation de signalement s’applique personnellement au professionnel de la santé. Elle entre généralement en jeu lorsqu’une personne a des motifs raisonnables de soupçonner ou de croire qu’un enfant a subi ou pourrait subir de la maltraitance ou de la négligence. La présence ou non d’une obligation de signalement dépend également de l’âge de l’enfant et de ce qui est considéré comme de la maltraitance ou de la négligence. Ces critères sont généralement propres à une certaine région de compétence. Le signalement doit habituellement être fait à un organisme gouvernemental (p. ex., une société d’aide à l’enfance), mais les infirmières ou infirmiers devraient s’attendre au lancement d’une enquête policière par l’organisme gouvernemental en question.5
Enquête policière qui met en cause un patient
Les lois sur la protection des renseignements personnels en santé de certains territoires ou provinces pourraient obliger ou autoriser les dépositaires à divulguer des RPS en lien avec une enquête policière. Il y a généralement une condition selon laquelle l’enquête doit être autorisée par la loi, ce qui limite les types d’enquêtes policières qui autorisent ou exigent la divulgation.
Les infirmières ou infirmiers qui sont des employés et qui sont interrogés dans le cadre d’une enquête policière devraient tout d’abord consulter un agent de la protection des renseignements personnels ou un gestionnaire qui a le pouvoir de prendre de telles décisions au nom de l’établissement de soins de santé. Des conseils ou une intervention d’ordre juridique pourraient être requis afin de déterminer si l’enquête est autorisée par la loi ou si la demande de la police semble outrepasser les limites des pouvoirs policiers. Si la divulgation est permise, mais non obligatoire, les politiques de l’employeur offrent généralement des conseils d’orientation sur les circonstances et la manière dans lesquelles la divulgation est effectuée.
Enquête policière sur l’infirmière ou infirmier
Les accusations criminelles ayant été portées à l’encontre d’infirmières ou infirmiers comprennent le vol de stupéfiants, le vol de biens appartenant au patient ou à l’établissement, la négligence criminelle, la menace de préjudices, les voies de fait, l’agression sexuelle et l’homicide. En général, une infirmière ou un infirmier ferait l’objet d’une enquête policière avant que des accusations ne soient portées. Cela ne paraît cependant pas toujours évident. Lors d’une enquête, la police pourrait demander à interroger des infirmières ou infirmiers sur leur conduite, la conduite de leurs collègues ou les circonstances entourant un certain incident. Elle pourrait également demander une déclaration. Il est parfois difficile de distinguer ces renseignements des renseignements sur le patient qui ne peuvent être divulgués sans l’autorisation du patient que dans des circonstances particulières. De plus, les renseignements fournis à la police par une personne peuvent être présentés comme preuve contre cette personne lors d’un procès subséquent. Il est donc bien avisé de demander des conseils juridiques avant de répondre à des questions de la police ou de fournir une déclaration à la police, et il est approprié de demander le report des demandes de renseignements à cette fin.
Limitation de la divulgation
Même lorsque des infirmières ou infirmiers sont autorisés à divulguer des RPS en vertu des exemptions limitées prévues par la loi applicable, la confidentialité devrait être préservée autant que possible. La quantité de renseignements que l’on divulgue et le nombre de personnes auxquelles ils sont divulgués devraient se limiter au minimum nécessaire en vue de prévenir le préjudice anticipé.
Points à prendre en considération lors des interactions avec la police
- La confidentialité des RPS doit être maintenue, à moins que la divulgation ne soit expressément autorisée par le consentement du patient ou par la loi.
- La police peut poser des questions ou demander des preuves, mais elle n’a pas nécessairement le droit de recevoir les renseignements demandés.
- La police n’est pas susceptible de vous fournir des conseils juridiques sur vos obligations ou votre capacité à fournir des RPS, et n’aurait par ailleurs pas les qualifications pour le faire.
- Envisagez de demander à la police d’obtenir un mandat de perquisition ou de nommer le pouvoir juridique autorisant la divulgation des RPS.
- Les infirmières ou infirmiers qui sont des employés seraient bien avisés de savoir qui sont les personnes dans leur établissement de soins de santé qui sont autorisées à prendre des décisions en matière de divulgation, y compris les personnes qui peuvent être rejointes en dehors des heures normales de travail.
- Tentez de déterminer si une ordonnance d’un tribunal, un mandat ou une assignation à témoigner confère les pouvoirs nécessaires pour obtenir les renseignements demandés, et au besoin, consultez un conseiller juridique.
- Lorsque vous devez communiquer des RPS à la police, il serait prudent de fournir une copie des renseignements plutôt que la source originale. Si la divulgation de la source originale est exigée par un mandat de perquisition ou une assignation à témoigner, conservez une copie des renseignements.
- Documentez toute divulgation orale ou écrite conformément aux exigences de la loi provinciale ou territoriale applicable en matière de protection des renseignements personnels en santé.
- Si une infirmière ou un infirmier est accusé d’un crime ou visé par une enquête, abstenez-vous de faire quelque déclaration que ce soit à la police avant d’avoir obtenu des conseils juridiques.
- Faites toujours preuve de politesse et de professionnalisme.
Les bénéficiaires de la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada (SPIIC) peuvent communiquer avec la Société en composant le 1-800-267-3390 pour parler à l’un de ses conseillers juridiques. Tous les appels sont confidentiels.
- Les infirmières et infirmiers peuvent être des dépositaires, par exemple, s’ils travaillent à leur compte, s’ils exploitent une clinique, ou s’ils fournissent des services de santé au travail.
- Wenden v. Trikha (1991), 1991 CanLII 13111 (AB KB), https://canlii.ca/t/gq9f5; Association des infirmières et infirmiers du Canada, Code de déontologie des infirmières et infirmiers autorisés, 2017.
- Par exemple, la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé de l’Ontario, L.O. 2004, chap. 3, alinéas 43(1)e) et h), la Personal Health Information Act de la Nouvelle-Écosse, SNS 2010, chap. 41, alinéa 38(1)(l) et la Loi sur les renseignements médicaux personnels du Manitoba, L.M. 2008, chap. 41, c. P 33.5 de la C.P.L.M., alinéa 22(2)(o).
- Par exemple, la Loi de 2005 sur la déclaration obligatoire des blessures par balle de l’Ontario, L.O. 2005, chap. 9, et la Loi sur la déclaration obligatoire des blessures par balle et par arme blanche du Manitoba, L.M. 2008, chap. 21, c. G 125 de la C.P.L.M.
- Par exemple, la Loi sur les services à l’enfance et à la famille de l’Ontario, LRO 1990, c C.11, article 72, et la Children and Family Services Act de la Nouvelle-Écosse, SNS 1990, chap. 5, article 24.
Novembre 2014/avril 2024
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.