Quand une infirmière ou un infirmier peut-elle ou il faire l’objet d’une allégation de négligence?
Une infirmière peut faire l’objet d’une allégation de négligence si elle est assigné(e) comme partie dans une action en négligence professionnelle, aussi appelée poursuite civile, qui est une sorte d’action en justice intentée par un demandeur demandant des dommages-intérêts en dédommagement de préjudices qu’il aurait subis. Un ou plusieurs demandeurs peuvent intenter une poursuite. Dans une action en négligence professionnelle, les demandeurs sont ordinairement le patient et les membres de sa proche famille (p. ex. son conjoint et les enfants à sa charge).
Un document officiel lance une action civile en décrivant l’allégation de négligence de la part d’un ou de plusieurs défendeurs. Les défendeurs sont ceux dont on prétend qu’ils ont porté préjudice au patient. Les défendeurs peuvent être des personnes, telles que des médecins et des infirmières/ers, et des entités juridiques, telles que des hôpitaux, des autorités sanitaires régionales et des sociétés indépendantes appartenant à des membres d’une profession réglementée. Toute infirmière nommée comme partie dans une instance juridique devrait être représentée par un avocat.
Qu’entend-on par négligence?
La négligence désigne le défaut de prodiguer les soins qu’une infirmière raisonnable et prudente aurait fournis dans des circonstances semblables. Au cours de sa carrière, une infirmière peut être confrontée à une allégation de négligence professionnelle découlant de sa pratique infirmière, qu’elle vienne d’un patient actif ou d’un ancien patient. Une allégation de négligence peut être reliée à diverses circonstances, notamment un mauvais diagnostic, un diagnostic tardif, des erreurs d’administration des médicaments ou encore l’administration du mauvais traitement. Cet article se veut un résumé général de la négligence en matière de soins infirmiers au Canada.
Pour avoir gain de cause dans leur allégation, le ou les demandeurs devront présenter des éléments de preuve pour prouver qu’un préjudice a été causé par la négligence du défendeur, ainsi que la valeur de ce préjudice.
Pour qu’un tribunal conclue qu’une infirmière a été négligente, les éléments suivants doivent être prouvés par le ou les plaignants :
1. Devoir légal de diligence par l’infirmière
La confiance d’un patient dans les connaissances et l’expertise d’une infirmière crée une relation fiduciaire (particulière) qui donne lieu, pour l’infirmière, à une obligation juridique de prodiguer des soins raisonnables. Cela ne veut pas dire que les infirmières sont tenues de soigner toutes les personnes avec qui elles sont en contact. Cependant, dès qu’une personne se fie aux compétences et aux connaissances professionnelles d’une infirmière, l’obligation juridique de prodiguer des soins raisonnables naît.
2. Violation de la norme de soin
Le tribunal a établi que [TRADUCTION] « la loi n’exige pas la perfection, mais elle exige l’exercice du soin et de la compétence auxquels on peut raisonnablement attendre d’un hôpital prudent et attentif et d’une infirmière prudente et attentive dans les mêmes circonstances que celles des défendeurs. »
Le tribunal rendra une décision juridique sur ce qui aurait constitué une norme raisonnable de soins infirmiers dans les circonstances. La décision en ce qui concerne les soins que devrait prodiguer raisonnablement une infirmière compétente et prudente dans des circonstances similaires se fondera sur les éléments de preuve que présentent les parties à l’instance. Voici des exemples de ces preuves : le dossier du patient, les documents administratifs détenus par l’établissement de santé, les preuves sur la disponibilité des membres du personnel et de l’équipement, les normes de pratiques professionnelles, les politiques de l’établissement de santé, les lignes directrices sur le traitement professionnel; les témoignages de témoins experts; et les témoignages des parties et des témoins. Si une infirmière exerce sa profession dans un environnement plus spécialisé ou possède une plus grande expertise en matière de soins infirmiers, cela peut entraîner l’imposition d’une norme de soin plus élevée.
3. Préjudice prévisible à la suite d’une violation de la norme de soin
Le ou les demandeurs doivent avoir subi un préjudice réel et prouver que ce préjudice résulte d’un acte ou d’une omission de l’infirmière. En général, les infirmières ne seront pas tenues responsables en droit de quoi que ce soit s’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce que leurs actions conduisent au préjudice dans les circonstances. Un tribunal ne conclura généralement pas qu’il y a eu négligence s’il n’y a pas eu de préjudice, même si l’acte ou l’omission de l’infirmière a enfreint la norme de soin. De plus, un résultat clinique médiocre subi par un patient n’est pas en soi un élément de preuve de négligence.
4. Dommages-intérêts
Une fois sa décision rendue, le tribunal ordonnera un dédommagement, généralement appelé dommages-intérêts, que le défendeur devra verser au demandeur si ce dernier a prouvé les éléments énumérés ci-dessus. Le tribunal prendra également en considération la valeur des pertes subies.
Quels sont les moyens de défense que peut faire valoir l’infirmière accusée de négligence?
L’avocat représentant l’infirmière peut utiliser un ou plusieurs des moyens de défense courants suivants :
a) Les actions de l’infirmière étaient celles d’une infirmière raisonnable et prudente dans les circonstances
Il importe au plus haut point que l’infirmière collabore avec son avocat pour que celui-ci comprenne bien pourquoi l’infirmière a agi de telle ou telle façon dans les circonstances. La collaboration aide l’avocat à présenter les éléments de preuve adéquats au tribunal.
b) Erreur de jugement
Si le dossier de preuve donne à penser que l’incident résulte d’une erreur de jugement et non du défaut d’agir de façon raisonnable et prudente dans les circonstances, le tribunal peut déclarer que le seuil de négligence n’a pas été atteint en l’occurrence.
c) Actions des autres défendeurs
Chaque défendeur pourra fournir des éléments de preuve dans sa propre défense. Compte tenu du caractère multidisciplinaire de la prestation de soins de santé, les témoins ou les défendeurs peuvent être appelés à témoigner relativement à leurs interactions avec d’autres professionnels de la santé durant l’incident à l’origine de la poursuite. Il incombe ensuite au tribunal de répartir la négligence entre les divers défendeurs en fonction de leur niveau de responsabilité.
d) Négligence concourante de la victime
Le tribunal pourrait conclure que le demandeur est lui aussi responsable, en tout ou en partie, du préjudice subi. Dans ce cas, le tribunal réduit généralement le montant des dommages-intérêts en fonction de la proportion attribuée au demandeur. Néanmoins, l’infirmière tenue responsable de négligence peut toujours être tenue de payer une partie des dommages-intérêts fixés.
e) Délai de prescription
Le demandeur doit intenter son action en justice dans le délai fixé par la loi en vigueur dans sa province ou son territoire. À l’expiration de ce délai, le demandeur n’a normalement plus le droit d’intenter une action. Cependant, des exceptions sont prévues dans le cas de mineurs et de personnes frappées d’incapacité mentale qui les rend inaptes à prendre leurs propres décisions.
Qui assume la responsabilité financière en cas de reconnaissance de la culpabilité de l’infirmière?
Si une employée accusée de négligence est tenue responsable, le tribunal peut demander que son employeur verse les dommages-intérêts fixés (et acquitte les dépens prescrits) conformément au principe de la responsabilité du fait d’autrui. Ce principe se fonde sur une règle de common law, qui précise en gros que l’employeur doit assumer des risques puisqu’il profite du travail de ses employés. Il est toutefois important de noter que les employés conservent leur propre responsabilité même lorsque les employeurs sont responsables en vertu du fait d’autrui pour leurs actes. La cour détermine au cas par cas si la relation employeur / employé a existé et si l’employé agissait dans le cadre de son emploi. N’oubliez pas qu’une infirmière qui est une employée peut aussi être nommée comme partie et être tenue responsable des préjudices causés à un patient. En outre, si l’infirmière reconnue coupable de négligence dans des affaires qui échappent au cadre de son emploi, elle sera probablement responsable de payer les dommages-intérêts.
Si la cour détermine qu’une infirmière est négligente pour un travail effectué alors qu’elle travaillait en pratique indépendante, c.-à-d. alors qu’elle travaillait pour son propre compte, l’infirmière sera tenue responsable de payer tous les frais juridiques associés à la poursuite, ce qui inclut tout montant de dommages-intérêts.
Une conclusion de négligence peut-elle avoir un effet sur mon autorisation d’exercer des soins infirmiers?
Oui. Il est recommandé que l’infirmière examine les documents de son organisme de réglementation des soins infirmiers qui portent sur l’obligation de divulgation si elle est nommée comme partie dans un procès pour négligence. L’infirmière peut avoir l’obligation de divulguer à son organisme de réglementation des soins infirmiers qu’elle a fait l’objet d’une action en justice ou qu’un tribunal a rendu une décision défavorable de négligence professionnelle ou de faute professionnelle à son endroit.
La majorité des poursuites civiles en matière de négligence sont résolues sans aller jusqu’à un procès. Les éléments de preuve concernant les différents éléments de la négligence sont révélés tout au long de l’instance. Si les éléments de preuve de la défense sont robustes, les parties peuvent accepter que la plainte n’aura peu de chance de succès et s’entendre à résoudre l’action par désistement, apportant une fin au litige. Si les éléments de preuve de la défense ne sont pas solides, par exemple si l’avocat de l’infirmière n’est pas en mesure d’établir par l’avis d’un témoin expert que les services infirmiers ont respecté la norme de soin, un règlement entre parties peut être conclu. Dans ce cas, la demande est résolue par un accord écrit qui fixe des conditions telles que : la somme d’argent versée, le fait que le règlement ne constitue pas une admission de négligence et les conditions de confidentialité.
Conclusion
Les bénéficiaires de la SPIIC sont généralement admissibles à de l’assistance aux procédures judiciaires et à une représentation juridique pour se défendre contre les allégations de négligence professionnelle dans le cadre d’une allégation ou d’un procès, en plus du paiement du dédommagement que le tribunal peut ordonner à la suite d’un procès ou d’un règlement. Si vous avez des questions concernant les services de la SPIIC et la protection en matière de responsabilité professionnelle, nous vous encourageons à communiquer directement avec nous.
N.B.: Dans ce bulletin, le genre féminin englobe le masculin, et inversement, quand le contexte s’y prête.
Révisé en avril 2022
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.