Les infirmières et infirmiers spécialisés en santé du travail dispensent divers services de soins de santé aux employeurs et employés en milieu de travail. Parmi les préoccupations relatives aux soins infirmiers en santé du travail, citons entre autres :
La législation
Parmi les lois provinciales, territoriales et fédérales qui touchent les soins infirmiers en santé du travail, citons les lois qui régissent la santé et la sécurité au travail (SST), l’indemnisation des travailleurs, l’emploi et les relations de travail, et la protection de la vie privée. Les employeurs sont tenus de respecter ces lois, ce qu’ils font souvent au moyen de politiques et de procédures. Lorsque la législation impose certaines exigences, il faut consigner avec soin dans un dossier leur mise en application, afin de faire preuve de diligence raisonnable. Toute transgression de la législation entraînera des instances judiciaires ou des peines. Les infirmières et infirmiers spécialisés en santé du travail doivent concilier leurs obligations juridiques en tant qu’employés avec leurs obligations juridiques en tant que professionnels de la santé réglementés.
La législation sur les droits de la personne et l’obligation de prendre des mesures d’adaptation
Les infirmières et infirmiers en santé du travail exercent un rôle important en s’assurant que les politiques et pratiques liées à la santé au sein de leur organisation n’établissent aucune discrimination envers toute personne ou culture. Tout employeur a le devoir d’instaurer des mesures raisonnables d’accommodement en milieu de travail visant à répondre aux besoins de tout employé atteint d’une déficience physique ou mentale si l’employé est par ailleurs capable d’exercer les fonctions liées à son poste. Toutefois, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation comporte certaines limites.1 Ainsi, un employeur doit répondre aux besoins d’un employé sans subir de contraintes excessives. Les contraintes excessives sont généralement déterminées par le tribunal en considérant divers facteurs, comme les coûts substantiels par rapport aux ressources financières de l’employeur, la nature des tâches de l’employé, et si les mesures d’adaptation portent atteinte aux droits des autres employés. Il se peut aussi que l’employeur doive satisfaire à certaines exigences légitimes rattachées à l’emploi. Les politiques et procédures de l’organisation, y compris les décisions relatives à l’obligation de trouver des mesures d’adaptation, doivent tenir compte de ces exigences.
L’employeur a par ailleurs le devoir d’étudier2 tous les moyens possibles de fournir des adaptations, et il ne peut s’appuyer exclusivement sur des rapports d’autres organismes.
L’infirmière ou l’infirmier en santé du travail peut être appelé(e) à étudier avec son employeur la demande de mesures d’adaptation de l’employé et comment celle-ci sera mise en œuvre. Il ou elle peut également être appelé(e) à aider son employeur à évaluer la nécessité de répondre aux besoins d’un employé et devra, pour ce faire, communiquer avec soin les mesures qui sont requises par la loi tout en assurant la confidentialité de l’employé. Cet aspect est abordé plus en détail dans la rubrique plus bas, intitulée « La confidentialité et la protection des renseignements personnels ».
La responsabilité criminelle
Le Code criminel du Canada impute une responsabilité criminelle aux particuliers et aux organismes qui ne protègent pas leurs employés en matière de santé et de sécurité au travail. Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui.3 L’obligation s’applique aux individus et aux organismes. L’infirmière ou l’infirmier en santé du travail peut exercer un rôle important durant la mise en œuvre, la surveillance et la promotion des mesures de sécurité raisonnables adoptées par un employeur, visant à protéger les employés et le grand public.
La vie privée et la confidentialité
L’infirmière ou l’infirmier en santé du travail est confronté(e) à des défis inhabituels lorsqu’un employeur lui demande de divulguer des renseignements sur la santé de ses employés.4 D’ordinaire, l’employeur n’est pas habilité à accéder aux dossiers médicaux de ses employés5, mais il a le droit de savoir si un employé est apte ou non à effectuer un certain travail ou encore s’il a une aptitude limitée à le faire. L’employeur ne peut prendre connaissance ni d’un diagnostic médical ni de tout autre renseignement sur la santé de ses employés. Toutefois, la loi ou le règlement comporte parfois des exceptions ou des améliorations à cette règle générale, ou encore une ordonnance du tribunal ou l’employé lui-même peuvent autoriser la divulgation de ces renseignements. Il faut respecter toutes les exceptions à la lettre, le cas échéant. Ainsi, en cas de litige ou de grief, il se peut que la législation provinciale ou territoriale autorise la divulgation des renseignements sans le consentement de l’employé.6 En général, ces renseignements sont divulgués à l’avocat ou au cabinet d’avocats qui représente l’employeur. Bien que cette divulgation puisse se produire lors d’instances judiciaires, elle ne peut avoir lieu que sur une base juridique et non pas sur simple demande ou réclamation.
Toute infirmière ou tout infirmier en santé du travail qui reçoit une demande de divulgation des dossiers médicaux d’employés, provenant d’autres personnes que ces derniers, peut exiger que cette demande soit faite par écrit et qu’elle précise les circonstances à l’origine de la demande, les renseignements particuliers requis et la base juridique de la requête. L’infirmière ou l’infirmier qui ne dispose pas d’une base juridique légitime autorisant la divulgation, en la circonstance, n’est pas habilité à divulguer de renseignements sans le consentement de l’employé. Lors de la recommandation d’une ligne de conduite appropriée, l’infirmière ou l’infirmier peut considérer recourir aux ressources qui sont à sa disposition, comme communiquer avec la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada (SPIIC) pour obtenir des directives supplémentaires ou consulter l’agent du service de la protection de la vie privée ou le conseiller juridique de l’employeur, le cas échéant.
Au cours de la pandémie de COVID-19, les infirmières et infirmiers en santé du travail ont dû effectuer la collecte et la divulgation de renseignements concernant l’état de la vaccination contre la COVID-19, et la création de politiques de vaccination. Veuillez consulter l’article de la SPIIC COVID-19 : Considérations pour les infirmières et infirmiers en santé du travail : Divulgation du statut vaccinal. En raison de la nature en constante évolution de la pandémie, ce que l’on considère comme une divulgation raisonnable pourrait changer à l’avenir. Il serait donc avisé de consulter les directives les plus récentes des organismes de réglementation de la protection de la vie privée et des soins infirmiers de façon régulière.
Obligations juridiques concernant les dossiers médicaux
L’infirmière ou l’infirmier en santé du travail est souvent tenu(e) responsable devant la loi des dossiers médicaux des employés. Il sera donc important pour les infirmières et infirmiers de déterminer s’ils sont des gardiens (également désignés comme des « fiduciaires » dans certaines compétences) des dossiers médicaux. Une infirmière ou un infirmier est vraisemblablement le/la gardien(ne) ou le/la fiduciaire lorsqu’il ou elle est employé(e) ou au service d’une organisation qui n’est pas prestataire de soins de santé, comme une infirmière ou un infirmier travaillant pour une entreprise manufacturière. Les gardiens ou fiduciaires sont, en règle générale, responsables de la tenue à jour et de la conservation des dossiers conformément à la loi, ainsi que de l’évaluation des renseignements qui peuvent être divulgués ou transférés légalement à des tiers. Les services de santé au travail sont souvent confrontés au changement, comme le transfert dans une nouvelle société ou l’élimination des services de santé au travail existants. Cela peut entraîner divers défis pour l’infirmière ou l’infirmier en santé du travail qui est, en règle générale, le/la gardien(ne) ou le/la fiduciaire des dossiers médicaux. La façon de préserver la confidentialité des dossiers médicaux des employés et d’assurer que toute divulgation de renseignements personnels sur la santé est effectuée dans le respect rigoureux des exceptions et limites particulières établies dans la législation applicable constitue une préoccupation principale pour une infirmière ou un infirmier confronté(e) à ces changements.
L’obligation pour les professionnels de la santé réglementés d’assurer la confidentialité des renseignements sur la santé des clients se trouve dans la législation, les normes de pratique, les décisions des tribunaux et les codes d’éthique professionnels. Le défaut d’assurer la confidentialité des clients peut entraîner la constatation d’une inconduite professionnelle par son organisme de réglementation des soins infirmiers. Dans une situation de changement organisationnel, il est important d’être au courant de ses obligations juridiques en tant que gardien(ne) ou fiduciaire et de respecter les directives de son organisme de réglementation de la protection de la vie privée pour assurer que toute conservation ou tout transfert des dossiers médicaux dont on est responsable est effectué conformément à la loi applicable.
Principales leçons à retenir :
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- Le respect de la confidentialité des renseignements personnels sur la santé d’un employé est un aspect important des obligations professionnelles, juridiques et éthiques d’une infirmière ou d’un infirmier.
- Il est important de faire preuve d’équité, d’empathie et de bon sens lorsqu’on reçoit une demande de mesures d’adaptation d’un employé.
- Il est important d’assurer la confidentialité et la protection des renseignements personnels du patient en tout temps. Si une divulgation est requise ou autorisée par la loi, il faut s’assurer qu’elle se limite à ce qui est nécessaire selon les circonstances.
- La divulgation des renseignements sur la santé d’un employé sans son consentement peut être autorisée ou requise par la loi, y compris la législation sur la protection de l’enfance, la législation sur la santé publique et les maladies transmissibles, et la législation sur la protection des renseignements personnels (p. ex. les dispositions autorisant la divulgation de protéger la santé publique et la sécurité ou selon la demande faite sur une base juridique lors d’une instance judiciaire).
- La divulgation des renseignements sur la santé d’un employé qui se rapportent à l’état de vaccination contre la COVID-19 peut comporter des considérations particulières en matière de protection de la vie privée et de confidentialité.
- Dans une situation où l’obligation ou la capacité de divulgation est mal définie, il serait avisé de solliciter un avis juridique.
Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent composer le 1 800 267-3390 pour discuter avec un conseiller ou une conseillère juridique de la SPIIC. Tous les appels sont confidentiels.
- Une ordonnance de la Cour suprême du Canada déclarait: « L’obligation d’accommodement qui incombe à l’employeur cesse là où les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par l’employé dans un avenir prévisible. » Hydro-Québec v. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 SCC 43 au para. 19.
- Une enquête approfondie peut se présenter sous diverses formes. Ainsi, dans Honda Canada Inc. v. Keays, 2008 SCC 39 aux paras. 71 and 94, la Cour suprême du Canada a reconnu la légitimité pour les employeurs d’exercer une surveillance des absences de leurs employés, particulièrement de ceux qui s’absentent régulièrement du travail.
- Code criminel, L. R., 1985, c. C-46, art. 217.1: « Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui. »
- Pour obtenir de plus amples renseignements à ce sujet, voir l’article de la SPIIC InfoDROIT : Confidentialité des renseignements personnels sur la santé.
- Loi sur la santé et la sécurité au travail, L.R.O. 1990, ch. O.1, art. 63(2): « Sauf sur ordonnance du tribunal ou sur ordonnance d’un tribunal administratif ou afin de se conformer à une autre loi, aucun employeur ne doit chercher à avoir accès aux dossiers médicaux concernant un travailleur sans obtenir le consentement écrit de cette personne. »
- Par exemple, voir Alberta’s Health Information Act, R.S.A. 2000, ch. H-5, art. 35(1)(h)-(i).
Révisé en avril 2025.
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT AUX FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.