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Ce document est une note d’information qui vise à répondre aux infirmières, aux médecins, aux gouvernements et à d’autres intervenants qui ont des questions et des préoccupations au sujet de la protection du personnel infirmier sur le plan de la responsabilité professionnelle. On y décrit comment et pourquoi les tribunaux tranchent actuellement les affaires de faute professionnelle médicale (négligence), les types de responsabilité, les types de relation de travail et leurs répercussions sur le risque lié à la responsabilité et sur la protection en la matière. Lorsqu’elles comprennent ces questions, toutes les parties à une pratique collaborative peuvent prendre des mesures appropriées de protection contre la responsabilité.
Comment les tribunaux traitent les décisions de fautes professionnelles
Lorsqu’un patient intente une poursuite pour faute professionnelle, c’est le droit de la responsabilité civile délictuelle qui tranche. Le droit de la responsabilité civile délictuelle vise à indemniser le demandeur qui prouve qu’il a subi un préjudice fautif, à rendre justice, à informer et à dissuader les actes négligents1.
Pour que la cour détermine qu’un professionnel de la santé a fait preuve de négligence, le demandeur doit prouver quatre éléments : l’obligation de diligence; le manquement au degré de diligence; le préjudice prévisible causé par un manquement au degré de diligence; et les dommages-intérêts2. Lorsque des professionnels de la santé travaillent en équipe, cette approche judiciaire ne change pas. Si l’on prouve qu’un membre de l’équipe est tenu responsable de négligence, les tribunaux ne trouvent pas juste que les autres membres doivent rendre des comptes simplement parce qu’ils sont membres de l’équipe3.
Types de Responsabilité
Après qu’on a établi la valeur des dommages-intérêts, le tribunal détermine quel défendeur doit payer quels dommages-intérêts en fonction des principes suivants du droit :
- Responsabilité directe
Chaque professionnel de la santé est responsable de sa propre pratique professionnelle à titre individuel et en tant que membre d’une équipe de pratique collaborative. Par conséquent, si un [practicien] est tenu responsable de négligence, le tribunal peut octroyer des dommages-intérêts au demandeur et ordonner que ceux-ci soient versés par le défendeur à titre individuel. Cette forme de responsabilité est qualifiée de responsabilité directe. La protection en matière de responsabilité professionnelle offerte par l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) et la Société de protection des infirmières et infirmièrs du Canada (SPIIC) est conçue en vue de prêter assistance aux médecins et aux infirmières faisant face à ce type de jugement.Un employeur ou un établissement défendeur peut également être tenu responsable de négligence et tenu directement responsable du manquement à son devoir envers le patient. Ce devoir peut consister à faire preuve de diligence raisonnable dans la sélection du personnel professionnel; à évaluer régulièrement le rendement du personnel; à établir et à appliquer des politiques et des procédures appropriées; à faire une supervision raisonnable du personnel; à assurer une dotation adéquate en personnel et à fournir de l’équipement et des ressources appropriés. - Responsabilité du fait d’autrui
Lorsqu’un employé est tenu responsable de négligence, le tribunal peut ordonner à l’employeur de verser des dommages-intérêts en vertu du principe juridique sur la responsabilité du fait d’autrui. Ce principe stipule qu’un employeur, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un établissement, peut être tenu financièrement responsable de la négligence de ses employés. Il est toutefois important de noter que les employés conservent leur propre responsabilité même lorsque les employeurs sont responsables en vertu du fait d’autrui pour leurs actes. La cour détermine au cas par cas si la relation employeur / employé a existé et si l’employé agissait dans le cadre de son emploi. N’oubliez pas qu’un professionnel de la santé exerçant en tant qu’employé peut également être nommé personnellement comme défendeur et être tenu responsable des préjudices causés à un patient. - Responsabilité conjointe et individuelle
Lorsqu’un défendeur est tenu responsable de négligence, le tribunal évalue le montant des dommages-intérêts (souvent exprimé en pourcentage du montant total des dommages-intérêts octroyés) devant être payés par chacun des défendeurs. Les défendeurs peuvent être conjointement et individuellement responsables des dommages-intérêts octroyés. Cela signifie que le plaignant peut obtenir une indemnisation complète de tout défendeur négligent, même si ce défendeur risque alors de payer une quote-part plus élevée des dommages-intérêts. Ce défendeur peut ensuite chercher à obtenir une contribution de la part des autres défendeurs tenus responsables de négligence4.
Types de Relation de Travail : employé ou entrepreneur indépendant?
La réponse à cette question est importante dans le contexte des poursuites intentées pour faute professionnelle et de la protection contre la responsabilité à cause de la doctrine de la responsabilité du fait d’autrui et des répercussions financières qui découlent de son application. Il s’agit d’une responsabilité commerciale. Il importe peu que l’employeur ou l’employé soit professionnel de la santé. Comme les dommages-intérêts accordés peuvent coûter cher aux employeurs, un employeur prudent devrait avoir de la protection appropriée contre la responsabilité civile afin de couvrir ce risque connu5.
Il y a deux façons de travailler : soit comme employé, soit comme personne qui travaille à son compte, que l’on qualifie en termes légaux d’entrepreneur indépendant. Sur le plan historique, la plupart des infirmières ont été des employées, ce qui est le cas aujourd’hui. Le contexte des soins de santé est toutefois en état de mouvance. Avec la montée de la profession d’infirmière praticienne, la création de nouvelles équipes de santé et la question de la privatisation qui n’est pas réglée, davantage d’infirmières peuvent devenir entrepreneures indépendantes. Pour déterminer la protection contre la responsabilité dont toutes les parties ont besoin, il importe de connaître la différence.
Même s’il n’existe pas un critère unique pour déterminer s’il y a relation employeur-employé, des affaires portant sur la fiscalité et la responsabilité civile délictuelle sur lesquelles les tribunaux se sont prononcés présentent des facteurs dont les tribunaux analysent la combinaison pour rendre cette décision. Les listes de facteurs qui suivent ne sont pas exhaustives et il n’y a pas de formule établie pour les appliquer. Le poids relatif de chaque facteur dépend des circonstances et des faits particuliers de chaque cas6. La description des parties à une entente ou à un contrat d’entrepreneur indépendant ne lie pas le tribunal si les faits révèlent qu’il y a relation employeur-employé7.
Facteurs qui indiquent qu’il y a relation employeur – employé :
- la personne en cause n’est pas le propiétaire de l’entreprise ou la pratique;
- elle n’a pas investi dans l’entreprise;
- elle ne participe pas aux bénéfices de l’entreprise et n’assume aucun risque à l’égard de ses pertes financières;
- l’employeur contrôle le travail et la façon de l’exécuter : p. ex., il établit les politiques et les procédures qui dirigent la pratique des soins infirmiers;
- la personne en cause est tenue de rendre compte à un superviseur;
- elle ne fournit pas son propre matériel;
- elle n’embauche ses propres aides; et
- elle reçoit un salaire fixe comportant des retenu(e)s de routine.
Facteurs qui indiquent qu’il y a travail indépendant :
- la personne en cause est le propiétaire de l’entreprise ou la pratique;
- elle a investi dans l’entreprise;
- elle participe aux bénéfices de l’entreprise et aux risques de perte financière;
- elle contrôle ses propres activités;
- elle n’est pas tenue de rendre compte à un superviseur;
- elle peut être tenue par contrat de suivre certaines politiques ou procédures, par exemple pour garantir que l’on observe la législation sur la protection des renseignements personnels;
- elle fournit son propre matériel;
- elle embauche ses propres aides; et
- elle présente des factures pour services rendus.
Lorsqu’il s’agit de déterminer si les infirmières sont employées ou non, la question la plus difficile ou litigieuse à trancher est peut-être celle du contrôle. À cause de leur formation, de leurs connaissances spécialisées, et parce qu’elles sont conscientes de leur obligation personnelle de rendre compte, il se peut que les infirmières aient besoin de peu de direction et de contrôle, s’il en est, dans leur pratique quotidienne. Dans une relation employeur-employé, la caractéristique importante du contrôle, c’est que l’employeur peut contrôler l’employé subalterne et non s’il exerce ou non ce pouvoir en réalité.
Protection Contre la Responsabilité
Une protection appropriée et suffisante contre la responsabilité est fonction des types de responsabilités possibles et ne peut être mise en oeuvre que lorsque toutes les parties comprennent de la même façon le statut d’employé ou d’entrepreneur indépendant des infirmières. Les infirmières doivent donc décider s’elles souhaitent être entrepreneurs indépendants avant de signer un contrat d’entrepreneur indépendant, par exemple, pour se joindre à une équipe de professionnels de la santé. Avant de signer tout contrat, les infirmières qui veulent être entrepreneurs indépendants doivent analyser les répercussions de cette relation de travail proposée avec un avocat spécialisé en droit des affaires.
Les employeurs et les propriétaires exploitants qui ont des professionnels de la santé comme employés peuvent être tenus financièrement responsables devant la loi de certains préjudices que les employés peuvent causer dans le cadre de leur travail à cause de l’application par les tribunaux du principe de la responsabilité du fait d’autrui. Les employés doivent confirmer auprès de leur employeur qu’il existe une assurance appropriée et suffisante pour couvrir cette obligation imposée par la loi.
Les entrepreneurs indépendants doivent déterminer le type et le montant de la protection contre la responsabilité dont ils ont besoin pour protéger leurs biens personnels. On leur recommande de consulter un conseiller d’affaires. Pour en apprendre davantage, veuillez consulter « Exploitez-vous une entreprise ou une pratique indépendante? », ou contacter la SPIIC au 1-800-267-3390.
S’ils ne prennent pas de décision sur la source du financement de leur défense devant les tribunaux lorsqu’ils commencent à travailler ensemble, et s’ils ne le font pas continuellement par la suite, les professionnels de la santé risquent de découvrir, après qu’on leur a intenté une poursuite en justice, que leurs hypothèses sur la protection contre la responsabilité étaient erronées. Cette erreur pourrait mettre en danger inutilement leurs finances professionnelles et personnelles.
Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent communiquer avec la SPIIC au 1-800-267-3390 pour parler avec un conseiller juridique de la SPIIC. Tous les appels sont confidentiels.
1. La Cour suprême du Canada a fait les déclarations suivantes au sujet de la dissuasion :
L’un des objectifs premiers du droit en matière de négligence est l’application de normes raisonnables de comportement de manière à empêcher la création de risques raisonnablement prévisibles. Ainsi, le droit de la responsabilité délictuelle sert à dissuader d’adopter un comportement qui crée un risque. Stewart c. Pettie, [1995] 1 R.C.S. 131 au para. 50.
2. Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada, infoDROIT, La négligence (vol. 3, no 1, novembre 2004).
3. Dans l’affaire Granger (Litigation Guardian of) c. Ottawa General Hospital, [1996] O.J. no 2129 (Div. gén.) (QL), on a intenté une poursuite contre des médecins, des infirmières et un hôpital. Le tribunal a répondu aux preuves en affirmant que certaines fonctions de l’équipe d’obstétrique (qui a fait quoi, quand et comment) étaient du domaine des soins infirmiers. Les médecins de l’équipe n’étaient pas responsables de la négligence du personnel infirmier. Le tribunal a affirmé que :
Les infirmières sont des professionnelles qui possèdent aussi des connaissances et des compétences spécialisées, et les mêmes principes s’appliquent que dans le cas des médecins, résidents et internes. Elles doivent utiliser ces compétences spécialisées pour évaluer les patients comme il se doit et transmettre ces évaluations aux médecins. (para. 26, trad. libre)
L’obstétricien de chevet doit avoir le droit de se fier à l’information que lui communique l’infirmière de chevet, à condition que l’infirmière, à laquelle l’hôpital confie ces fonctions, ait reçu la formation appropriée, ait suffisamment d’expérience et sache en tout temps ce qu’elle fait dans le contexte de ses responsabilités professionnelles. (para. 34, trad. libre)
4. Association canadienne de protection médicale et Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada, Déclaration conjointe de l’ACPM et de la SPIIC sur la protection de la responsabilité des infirmières praticiennes et des médecins en pratique collaborative (Ottawa: mars 2005).
5. Dans le cas de la note 3, le tribunal a appliqué, comme d’habitude, la doctrine de la responsabilité du fait d’autrui en affirmant que :
En l’occurrence, les infirmières étaient employées de l’Hôpital général d’Ottawa et si elles ont manqué à leur obligation de faire preuve des compétences et des soins appropriés dans leurs interprétations et en communiquant de l’information aux médecins, et s’il en découle des dommages-intérêts, l’hôpital sera tenu responsable. (para. 26, trad. libre)
6. 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983; Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada, infoDROIT, Responsabilité du fait d’autrui (vol. 7, no 1, avril 1998); et Agence de revenu du Canada, Employé ou travailleur indépendant?, Document RC4110(F), Rév. 06, Ottawa, auteur, 2006.
7. Dynamex Canada Inc. c. Mamona, [2003] C.A.F. no 907 (C.A.F.).
8. Veuillez consulter Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada, infoDROIT, La pratique privée (vol. 4, no 1, novembre 2004).
août 2006
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.