En raison de pénurie de professionnels de santé, d’amalgamation de services de santé ou de changements démographiques, certains hôpitaux ont pris la décision difficile de fermer leur service d’urgence temporairement, ou en permanence. L’hôpital, l’office régional de santé ou la régie régionale doit alors prendre les mesures nécessaires pour en aviser le public. Par conséquent, le personnel de l’urgence pourrait être redéployé ailleurs au sein de l’établissement de santé.
Il est possible que les infirmières/ers des salles d’urgence s’interrogent quant à leurs obligations juridiques durant la fermeture d’une salle d’urgence. Les établissements de santé établissent généralement les paramètres des soins infirmiers qui y seront dispensés, et sont responsables de prendre la décision de fermer une salle d’urgence. Ainsi, c’est l’établissement de santé qui est le plus susceptible de faire face à une poursuite juridique quant à la décision, et son impact sur la partie demanderesse (le patient). Néanmoins, les infirmières/ers peuvent être partagés entre leur vocation professionnelle et éthique d’aider les patients qui se présentent malgré la fermeture, et le fait que la décision doit être interprétée comme une interdiction de porter assistance à ces patients. Il faut également considérer les difficultés réelles qui pourraient survenir s’ils tentaient de dispenser les soins d’urgence sans disposer des ressources qui leur sont normalement disponibles lorsque le service d’urgence est ouvert.
Pour le moment, les tribunaux canadiens n’ont pas encore traité cette question spécifique. Toutefois, au moins une décision suggère qu’en cas d’urgence, lorsque la vie du patient est en jeu, un tribunal pourrait juger qu’il n’est pas lié par les règles d’organisation interne de l’établissement lorsqu’il s’agit de déterminer si une obligation d’intervenir existe ou non. Dans cette décision1, un patient s’est présenté à une salle d’urgence avec possiblement un infarctus du myocarde. L’urgentiste de service n’était pas disponible, puisqu’il était en salle d’opération. La Cour a conclu qu’un autre médecin qui était à l’hôpital avait l’obligation légale d’aider le patient, même s’il n’était pas de garde ou de service dans la salle d’urgence. De même, advenant qu’un patient nécessitant des soins urgents se présente pendant la fermeture du service d’urgence, un tribunal pourrait conclure qu’un/e infirmière/er qui constate sa présence a l’obligation légale de demander de l’aide. Il/elle peut aussi avoir l’obligation de porter assistance au patient conformément aux lois et règlements qui régissent et sa pratique2, dans la mesure de ses connaissances et ses compétences, si de telles interventions étaient plus bénéfiques, pour le patient, que d’être immédiatement dirigé à un autre service d’urgence. L’infirmière/er est aussi requis/e d’agir raisonnablement dans ces circonstances : cela est la base d’une défense efficace envers une allégation de négligence.
L’élaboration d’un plan d’urgence avant la fermeture d’une salle d’urgence devrait permettre de gérer cette incertitude et de mieux répondre aux besoins des patients.
Gestion des risques quant à la fermeture des services d’urgence
Avis public
L’hôpital doit prendre les mesures nécessaires pour aviser les usagers, le public et les services d’urgence externes (services ambulanciers, autres services d’urgence) de l’interruption des services d’urgence3. L’hôpital pourra avoir recours à divers médias, y compris des radiodiffusions publiques, les médias sociaux, et l’installation de panneaux de signalisation à des endroits stratégiques, afin de réorienter les patients vers l’hôpital qui offre des services d’urgence le plus proche.
Communication entre l’administration et le personnel infirmier
Il est important de communiquer efficacement avec le personnel traitant. Les infirmières/ers touché/es par la fermeture pourront mieux répondre à leurs exigences professionnelles si elles/ils sont avisé/es des détails. Ceux-ci peuvent inclure la date de cette fermeture, des mesures qui ont été prises pour réorienter les patients vers d’autres hôpitaux, des attentes de leur employeur en ce qui les concerne, et des moyens par lesquels ils/elles pourront contacter l’administrateur responsable au besoin. Ceci est particulièrement important si l’hôpital continue de dispenser des services externes. L’accès aux cliniques externes pourrait laisser l’impression que les services d’urgence sont aussi toujours accessibles, même en présence d’avis sur la fermeture.
Gestion des patients qui se présentent malgré la fermeture
Dans des circonstances normales, les médecins, les infirmiers/ères praticien/nes les infirmières/ers travaillent en équipe pour dispenser des soins d’urgence. Les directives médicales, les ordonnances verbales, les règlements et les politiques permettent aux infirmières/ers d’intervenir très rapidement, parfois avant même qu’un médecin n’ait évalué l’état du patient et consigné ses prescriptions par écrit. En temps normal, l’évaluation médicale sera effectuée et les ordonnances émises peu après ou presque au même moment que l’intervention de l’infirmière/er. Lors d’une fermeture, ce ne serait pas le cas puisque l’unité peut ne pas être dotée de médecins, d’infirmières/ers praticien/nes et d’infirmières/ers.
Un plan de gestion des soins pourrait identifier les interventions infirmières permises pour aider les patients nécessitant des soins d’urgence qui se présentent malgré la fermeture, telles l’évaluation infirmière, les autres pratiques autorisées par la loi (notamment les interventions de premiers soins, BCLS et ACLS pour ceux qui ont obtenu ces certifications additionnelles), et le support nécessaire au patient pour faire appel à d’autres services médicaux d’urgence. Le plan devra tenir compte du champ d’exercice des infirmières/ers et devra être conforme à la décision de réorienter les patients vers d’autres établissements de santé qui pourront leur dispenser les soins nécessaires. Il est probable que les interventions infirmières permises en cas de fermeture des services d’urgence n’incluent pas toutes celles que les infirmières/ers auront l’habitude de pratiquer en temps normal. Il est possible, également, que le plan d’urgence identifie des interventions hors du champ d’exercice habituel des infirmières/ers, telles la préparation de réquisitions pour examens ou l’administration de médicaments, qui suivent généralement un ordre, une directive ou un protocole. Ainsi, si les infirmières/ers initient certains soins en fonction de directives (ordonnances générales) émises par des médecins ou infirmières/ers praticien/nes4, il y aura lieu de préciser si ces directives seront suspendues durant la fermeture de la salle d’urgence puisqu’aucun médecin ni infirmière/er praticien/ne ne sera sur place pour y donner suite.
Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent communiquer avec la SPIIC au 1-800-267-3390 pour parler avec un conseiller juridique de la SPIIC. Tous les appels sont confidentiels.
1. Egedebo v Windermere District Hospital Assn, 1991 CanLII 1921 (BCSC).
2. Ainsi, par exemple, selon le Règlement de l’Ontario 275/94 (général) et conformément à la Loi de 1991 sur les infirmières et infirmiers, art. 15(4)2 et art. 15(5), les infirmières autorisées et les infirmières praticiennes de l’Ontario peuvent installer une perfusion intraveineuse de solution saline si elles possèdent les connaissances, les compétences et le jugement nécessaires pour évaluer le patient et pratiquer l’intervention de manière sécuritaire et que le report de la ponction veinuse est susceptible de causer un préjudice au patient. Article 15(4)2 se lit comme suit :
Venipuncture to establish peripheral intravenous access and maintain patency, using a solution of normal saline (0.9 per cent), in circumstances in which,
i. the individual requires medical attention, and
ii. delaying venipuncture is likely to be harmful to the individual.
3. Baynham v Robertson (1993), 18 CCLT (2d) 15 (Div gén Ont).
4. Une infirmière pourrait, cependant, aider un patient à prendre un médicament en sa possession et qui lui a déjà été prescrit, tel la nitroglycérine.
Juillet 2022
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.