La protection des renseignements personnels s’inscrit dans la protection de la vie privée et est régie par des lois fédérales et provinciales. Essentiellement, les renseignements personnels sont toutes les données qui permettent d’identifier une personne, comme les antécédents médicaux. 1 Les patients sont en droit de contrôler leurs propres renseignements en fonction de ce qui est autorisé ou exigé par la loi. Le maintien de la confidentialité est un aspect de la protection des renseignements personnels et consiste en l’obligation, pour certaines personnes (p. ex. les professionnels de la santé réglementés), de ne pas divulguer les renseignements d’une autre personne à des tiers, à moins qu’il y ait un motif légitime raisonnable de le faire, par exemple une infirmière ou un infirmier témoignant sous serment lors d’un procès.
En règle générale, les renseignements personnels sur la santé (RPS) d’un patient sont utilisés uniquement aux fins pour lesquelles ils ont été divulgués au sein de l’équipe soignante et conformément à ce qui est autorisé ou exigé par la loi.
Une infirmière ou un infirmier sont-ils légalement tenus de respecter la confidentialité des renseignements personnels sur la santé?
Oui. Il existe des obligations juridiques, professionnelles et déontologiques qui obligent les professionnels de la santé à respecter la confidentialité des patients, car les RPS d’une personne sont des renseignements intimes et de nature délicate.
Ces exigences visant à préserver la confidentialité des renseignements sur la santé des patients peuvent généralement se retrouver dans :
- les lois fédérales, provinciales et territoriales qui régissent les RPS, les professions de la santé réglementées, les établissements de santé, les régimes d’assurance-maladie, la santé au travail et les questions relatives au respect de la vie privée;
- les décisions des tribunaux et la common law;
- les normes et lignes directrices provinciales et territoriales en matière d’exercice de la profession infirmière (p. ex. d’un organisme de réglementation);
- le Code de déontologie des infirmières et infirmiers autorisés de l’Association des infirmières et des infirmiers du Canada 2 et d’autres documents d’orientation en matière de déontologie ou normes d’associations;
- les renseignements et documents d’orientation du commissaire à la protection de la vie privée;
- les ententes de confidentialité, les descriptions d’emploi, et les politiques de l’employeur.
Les renseignements du patient peuvent-ils être communiqués à des professionnels de la santé, entre autres?
Les dispositions législatives s’adressent au « dépositaire » responsable de la préservation des renseignements sur la santé, mais autorisent d’autres personnes, dont les infirmières et les infirmiers, à remplir des fonctions en son nom. 3 Pour qu’un patient reçoive les soins adéquats, les membres de son équipe soignante doivent être en mesure d’échanger entre eux des renseignements à son sujet afin de coordonner les soins. En règle générale, les RPS ne devraient être communiqués qu’aux personnes qui fournissent les soins ou qui ont été consultées en ce qui concerne un patient donné, en fonction d’un besoin de savoir raisonnable.
D’autres professionnels de la santé qui ne participent pas directement aux soins du patient peuvent être tenus d’accéder aux renseignements sur la santé. Le dépositaire des RPS peut autoriser certaines personnes à passer en revue les renseignements sur la santé pour différentes raisons, y compris le soutien de la pratique, l’assurance de la qualité ainsi que les possibilités d’éducation et d’apprentissage. Les infirmières et infirmiers qui jouent de tels rôles devraient examiner s’il existe une autorisation écrite leur permettant d’accéder aux RPS et de les utiliser si cela fait partie de leur emploi ou si cela relève de leur responsabilité.
Les renseignements peuvent également être communiqués si le patient consent à leur divulgation. En règle générale, un lien familial ou une amitié ne confère pas le droit à une personne d’avoir accès aux renseignements sur la santé d’un patient, à moins que ce sujet soit expressément abordé dans la loi habilitante (p. ex. la protection des renseignements personnels, la prise de décision au nom d’autrui). Le consentement écrit du patient peut être requis avant la divulgation des renseignements sur la santé à un tiers, ou pour respecter la loi ou la politique en matière de prise de décision au nom d’autrui.
Ya-t-il des exceptions à l’obligation du respect de la confidentialité?
Certaines lois peuvent requérir ou justifier la divulgation de renseignements sur la santé confidentiels. Parmi les exemples les plus courants, citons les lois relatives à la protection de l’enfant, les lois sur la santé publique, les lois sur les maladies transmissibles (en contexte de la pandémie de COVID-19, par exemple), les autres lois sur la déclaration obligatoire ainsi que la législation relative à la protection de la vie privée, qui permet de divulguer des renseignements aux fins de protection de la santé et de la sécurité publiques4. Par exemple, certaines provinces et certains territoires sont dotés de lois qui exigent que les établissements de santé signalent à la police les blessures par balle ou causées par une arme blanche5.
Toute participation à une action en justice, en tant que partie ou témoin, peut justifier la divulgation de renseignements personnels sur la santé pertinents aux questions juridiques. Le simple fait de participer à une action en justice n’autorise pas l’utilisation, la divulgation des renseignements personnels sur la santé, ou l’accès à ces derniers, en particulier lorsque le professionnel de la santé en question n’est pas le dépositaire des renseignements. Lorsque vous êtes partie à une action en justice, un conseiller juridique peut vous conseiller quant aux circonstances dans lesquelles des renseignements peuvent être divulgués ainsi que la quantité de renseignements pouvant l’être. En règle générale, si on vous demande d’agir en tant que témoin, la divulgation peut être demandée en vertu de l’autorité d’une ordonnance du tribunal ou d’une assignation à témoigner. 6 L’ordonnance du tribunal ou l’assignation à témoigner devraient être examinées attentivement pour veiller à ce qu’il n’y ait aucune divulgation par inadvertance d’une plus grande quantité de renseignements que celle autorisée légalement.
Dans de rares circonstances, une infirmière ou un infirmier peut divulguer avec raison des renseignements confidentiels sur la santé d’un patient afin de prévenir d’autres personnes du danger que leur fait courir ce patient en cas de risque imminent et crédible de préjudice physique grave ou de décès d’une ou de plusieurs personnes connues, par exemple à la police, par égard pour autrui. 7 Une infirmière ou un infirmier devrait toujours consulter d’abord l’agent ou l’agente du service de protection de la vie privée de l’employeur ou un conseiller ou une conseillère juridique avant de divulguer tout renseignement confidentiel sur un patient. Selon les circonstances, il peut être utile de consulter d’autres membres de l’équipe soignante du patient, comme son médecin de famille ou son psychiatre, afin de choisir la meilleure option.
Quelles conséquences entraîne la divulgation de renseignements sans autorisation?
La communication inappropriée de renseignements peut entraîner un certain nombre de conséquences possibles :
- Un patient peut intenter des poursuites pour négligence, manquement à la confidentialité ou à la vie privée, ou encore une action en diffamation.
- En outre, un organisme de réglementation professionnelle en matière de soins infirmiers peut ordonner des procédures disciplinaires.
- Un employeur peut ouvrir une enquête.
- Le commissaire provincial ou territorial à la protection de la vie privée peut enquêter sur une plainte.
La sanction sera habituellement proportionnelle à l’infraction. À titre d’exemple, une infirmière autorisée a été renvoyée par son employeur pour manquements répétés en matière de vie privée des patients. Plus précisément, l’infirmière avait accédé à plus de 5 800 dossiers médicaux de patients sur une période de sept ans, la plupart d’entre eux se trouvant dans des unités médicales où elle n’était pas affectée. L’infirmière a soutenu avoir accédé aux dossiers au motif de l’exception relative à la « possibilité d’éducation ou d’apprentissage ». En fin de compte, l’arbitre a conclu que la majorité des accès aux renseignements par l’infirmière étaient inappropriés, car elle ne prodiguait aucun soin aux patients sur lesquels portaient ces renseignements. 8 Cette décision a également donné à l’employeur un motif valable de mettre un terme à l’emploi de l’infirmière.
Par conséquent, il serait prudent de bien connaître en tout temps les lois applicables et les sources des obligations juridiques, professionnelles et éthiques en matière de confidentialité des renseignements personnels sur la santé.
Les infirmières et les infirmiers en santé au travail doivent-ils divulguer à son employeur des renseignements sur la santé d’un employé?
À la demande de son employeur, une infirmière ou un infirmier de santé du travail est tenu de divulguer certains renseignements sur la santé, mais uniquement dans la mesure requise pour informer l’employeur si l’employé est apte, inapte, ou apte sous réserve de certaines restrictions à accomplir un travail donné. Avant de divulguer tout autre renseignement, l’employé doit fournir un consentement écrit exprès.
Si un employeur demande à obtenir des renseignements confidentiels sur la santé d’un employé, autres que ceux qui lui sont nécessaires pour déterminer son aptitude à travailler, un conflit peut s’engager entre l’obligation de préserver la confidentialité et le devoir de loyauté envers l’employeur. Dans un tel cas, le devoir juridique et professionnel consiste toujours à assurer la confidentialité relative à l’employé. En fait, au Canada, certaines provinces et certains territoires sont dotés de dispositions législatives pour empêcher les employeurs d’obtenir l’accès aux renseignements sur la santé des employés, en l’absence du consentement écrit de ces derniers. 9
Les infirmières et les infirmiers sont-ils assujettis à une obligation de divulger des renseignements sur la santé aux policiers?
Il n’existe aucune exigence légale de divulgation des renseignements sur la santé pour aider activement les policiers qui enquêtent sur un crime, bien que le fait d’entraver une enquête policière constitue un acte criminel. Il faut demander à tout policier qui interroge une infirmière ou un infirmier sur l’état de santé d’un patient ou son dossier médical de s’adresser à l’administrateur compétent de l’établissement, par exemple l’agent ou l’agente du service de protection de la vie privée, qui déterminera ensuite la meilleure marche à suivre. La police doit obtenir une autorisation légale pour accéder aux renseignements sur la santé, par exemple une ordonnance du tribunal ou une assignation à témoigner. Lorsque les infirmières et les infirmiers reçoivent une assignation à témoigner lors d’une audience, ils doivent se conformer aux modalités de l’assignation à témoigner et prendre garde de ne pas divulguer plus de renseignements qu’il n’est permis. 10
Principaux points à retenir
- Le respect de la confidentialité des RPS d’un patient est une composante importante des obligations professionnelles, juridiques et déontologiques d’une infirmière ou d’un infirmier.
- Par conséquent, les infirmières et les infirmiers devraient s’efforcer de respecter la vie privée du patient en tout temps, sauf s’ils sont confrontés à une exception, telle que celles énumérées ci-dessus.
- Certaines exceptions au maintien de la confidentialité comprennent : la législation relative à la protection de l’enfant, la législation relative à la santé publique et aux maladies transmissibles, la législation relative à la déclaration obligatoire et celle autorisant la divulgation de renseignements personnels aux fins de protection de la santé et de la sécurité publiques.
- Dans une affaire où l’obligation en matière de divulgation est floue, il serait prudent de communiquer avec l’employeur, l’agent ou l’agente du service de protection des renseignements personnels, l’organisme de réglementation des soins infirmiers, le conseiller ou la conseillère juridique pour obtenir de plus amples renseignements.
- Il faut demander à tout policier qui interroge une infirmière ou un infirmier sur l’état de santé d’un patient ou son dossier médical de s’adresser à l’administrateur compétent de l’établissement, par exemple l’agent ou l’agente du service de protection des renseignements personnels, ou bien le dépositaire des renseignements sur la santé, qui déterminera ensuite la meilleure marche à suivre.
Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter nos articles InfoDROIT « Communication avec la police » et « Protection de la vie privée ». Les bénéficiaires de la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada (SPIIC) peuvent communiquer avec la Société en composant le 1 800 267-3390 pour parler à l’un de ses conseillers juridiques. Tous les appels sont confidentiels.
- Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Aperçu des lois sur la protection des renseignements personnels au Canada, janvier 2018, en ligne : https://www.priv.gc.ca/fr/sujets-lies-a-la-protection-de-la-vie-privee/lois-sur-la-protection-des-renseignements-personnels-au-canada/02_05_d_15/.
- Association des infirmières et infirmiers du Canada, Code de déontologie des infirmières et infirmiers autorisés, 2017, en ligne : https://hl-prod-ca-oc-download.s3-ca-central-1.amazonaws.com/CNA/2f975e7e-4a40-45ca-863c-5ebf0a138d5e/UploadedImages/documents/Code_of_Ethics_2017_Edition_Secure_Interactive.pdf
- Pour obtenir de plus amples renseignements, consultez l’article « Êtes-vous dépositaire des dossiers de santé? » : https://cnps.ca/index.php?page=429
- Par exemple, voir la Health Information Act de l’Alberta R.S.A. 2000, chap. H-5, art. 37.3.
- Des exemples sont la déclaration obligatoire des cas de blessures par balle ou causées par une arme blanche à la police, et la déclaration des événements indésirables à un organisme du gouvernement central. Les établissements de santé de l’Ontario, par exemple, sont tenus aux termes de la Loi de 2005 sur la déclaration obligatoire des blessures par balle, L.O. 2005, chap. 9, par. 2(1) de « divulgue[r] au corps de police municipal ou régional de la localité ou au détachement local de la Police provinciale de l’Ontario le fait qu’une personne est traitée pour une blessure par balle, le nom de la personne, s’il est connu, et le nom et l’emplacement de l’établissement. » Plusieurs autres territoires canadiens ont adopté des lois semblables. Certains exigent également la déclaration des blessures causées par une arme blanche.
- Une assignation à témoigner est une instruction ou une convocation par écrit exigeant la présence d’une personne en tant que témoin dans le cadre d’une action en justice. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter notre article InfoDROIT Communication avec la police.
- Par exemple, consulter la Personal Health Information Act de la Nouvelle-Écosse, SNS 2010, ch. 41, alinéa 38(1)(d), ou la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé de l’Ontario, L.O. 2004, ch. 3, annexe A, art. 40(1).
- North Bay Health Centre v Ontario Nurses’ Association, 2012 CanLII 97626 (ON LA)
- Par exemple, la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) de l’Ontario, au paragraphe 63(2), indique que « [s]auf sur ordonnance du tribunal ou sur ordonnance d’un tribunal administratif ou afin de se conformer à une autre loi, aucun employeur ne doit chercher à avoir accès aux dossiers médicaux concernant un travailleur sans obtenir le consentement écrit de cette personne ». Loi sur la santé et sécurité au travail, L.R.O. 1990, chap. O.1, par. 63(2).
- Pour obtenir de plus amples renseignements sur le sujet, veuillez consulter notre article Communication avec la police.
Révisé en juillet 2021.
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT AUX FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE INTERPRÉTÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS PRÉCIS.