LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.
Lorsque vous travaillez comme infirmière, tout un éventail de lois s’appliquent à vous selon les circonstances. Il ne faut donc pas vous étonner de vous retrouver parfois aux prises avec des conflits apparents entre des responsabilités simultanées que vous impose la loi. C’est particulièrement le cas en période de pénurie de personnel. Comme le Canada est aux prises avec une pénurie d’infirmières, l’impact de cette pénurie sur la pratique et le mieux-être de leurs patients préoccupe beaucoup d’infirmières. Les répercussions légales possibles sur elles les inquiètent aussi.
Les infirmières sont régies par tout un éventail de lois, selon les circonstances. Comme professionnelles autorisées, les infirmières doivent appliquer les normes de pratique de leur province ou territoire. Elles doivent aussi exercer la profession en se conformant au Code de déontologie 1. Sinon, la loi sur les disciplines professionnelles et le permis d’exercice s’applique. Comme employées, les infirmières doivent aussi respecter les modalités de leurs contrats, qu’il s’agisse d’un contrat d’emploi individuel ou d’une convention collective. Les lois sur l’emploi et les relations de travail régissent la discipline au travail et les questions contractuelles. Enfin, dans le contexte d’une poursuite en justice pour négligence, la loi régissant la responsabilité professionnelle déterminera si la norme de soins infirmier a été respectée dans les circonstances. Des infirmières doivent parfois, particulièrement en période de pénurie de personnel, faire face à des conflits apparents entre ces responsabilités simultanées que leur imposent les lois.
Les employeurs d’infirmières ont le même problème : Comment dispenser de bons soins lorsqu’ils manquent de ressources? Les dirigeants des hôpitaux savent qu’ils sont tenus de faire preuve d’une prudence raisonnable dans le recrutement et de mettre en place des systèmes sécuritaires 2. C’est pourquoi les employeurs demandent couramment aux infirmières de faire des heures supplémentaires. L’infirmière peut y consentir ou refuser : tout dépend des modalités de son contrat d’emploi. Il est déjà arrivé qu’on menace une infirmière qui refusait de faire du temps supplémentaire de l’accuser d' » abandon de patient « . Ce qui sous-entend que son refus aura des répercussions sur elle comme employée. Cela a aussi des relents d’inconduite professionnelle. Des ordres d’infirmières ont produit des conseils à ce sujet.
Dans le règlement de l’Ontario sur l’inconduite professionnelle en soins infirmiers, par exemple, il y a inconduite professionnelle lorsqu’on cesse de dispenser des services professionnels nécessaires, sauf si : 3
i) le client demande l’arrêt des services;
ii) on organise d’autres services de remplacement;
ii) le client a une chance raisonnable de trouver des services de remplacement 4
L’Ordre des infirmières et des infirmiers de l’Ontario est d’avis que cette mesure signifie que les infirmières ont la responsabilité professionnelle de ne pas abandonner ou négliger leurs clients pendant un quart de travail officiel. L’Ordre a déclaré que : » Le refus d’effectuer un quart de travail supplémentaire ou de faire du temps supplémentaire ne constitue pas le type de situation que l’on visait en incluant « l’interruption de service » comme catégorie d’inconduite professionnelle et n’est donc pas considéré comme un « signe d’abandon » 5.
Qu’est-ce qui constitue un abandon en réalité? Deux cas récents reliés à la discipline professionnelle en donnent des exemples. Dans le premier cas, une infirmière en santé communautaire a communiqué avec un patient par téléphone, mais elle a consigné au dossier qu’elle avait fait des visite à domicile, n’a pas fait de visite à domicile mais a consigné au dossier qu’elle l’avait fait et n’a pas effectué de visites de suivi de nouveau-nés. Dans le deuxième cas, l’infirmière d’un camp a quitté le camp au beau milieu de la nuit avec l’intention de s’absenter pendant plusieurs jours de congé non prévus même si elle savait qu’il n’y avait pas d’autres services infirmiers ou médicaux pour la remplacer. Dans les deux cas, l’ordre compétent a pénalisé l’infirmière, en partie pour abandon de patient – abandon qui constituait une inconduite professionnelle.
Un contrat d’emploi ou une convention collective peut contenir des dispositions relatives au temps supplémentaire, voire même permettre le » temps supplémentaire obligatoire « . Le temps supplémentaire obligatoire diffère toutefois du temps supplémentaire. Pour mieux comprendre les obligations que vous impose votre contrat de travail, consultez les documents pertinents et votre représentante syndicale, le cas échéant.
Qu’est-ce qu’une infirmière peut faire dans de telles circonstances difficiles? Au moins deux choses : travailler maintenant et se plaindre ensuite, et produire des rapports efficaces.
Travailler maintenant et se plaindre ensuite
Selon un principe reconnu depuis longtemps en relations de travail, un syndiqué doit » travailler maintenant et se plaindre ensuite « , à quelques exceptions près (p. ex., lorsqu’on lui demande de commettre un acte illégal). Cela ne signifie pas qu’une infirmière doit demeurer muette et passive si, selon son jugement professionnel, une situation qui prend forme taxe tellement les ressources infirmières que les répercussions sur les patients préoccupent. Essayez d’obtenir du renfort. Signalez la situation à la direction. Informez vos collègues du quart de la situation afin qu’ils puissent aider. Envisagez des solutions de rechange : réaménager des tâches, modifier des priorités, mobiliser des médecins pour évaluer le niveau de soin dont des patients ont besoin, etc., par exemple. La loi vous oblige à faire votre possible dans les circonstances. Le simple fait de refuser une autre admission dans un service occupé qui manque déjà de personnel peut être considéré comme une insubordination justifiant l’imposition de sanctions disciplinaires si l’on n’a pas fait certains de ces efforts pour faire face à la situation 6.
Produire des rapports efficaces
Il est extrêmement important que les infirmières signalent à la direction chaque cas clair de pénurie de personnel. Il faut documenter les pénuries de personnel et leurs répercussions pour prévenir ceux qui prennent les décisions en matière de personnel et peuvent intervenir.
Les infirmières ne peuvent éviter la responsabilité de leurs propres actes, ou de leur inaction, en l’affirmant simplement dans leur rapport écrit à l’employeur . 7Les infirmières se sentent parfois tenues de rejeter toute responsabilité à l’égard de tout préjudice qu’une pénurie de personnel peut causer aux patients, car elles craignent qu’on puisse les accuser de négligence en cas de préjudice. Comme les infirmières doivent rendre compte de leurs actes, ou de leur inaction, le fait de rejeter toute responsabilité ne les protégera nullement devant la loi. Il ne faut pas oublier que la norme de soin, concept issu de la loi sur la négligence 8 , représente ce que l’infirmière moyenne, prudente et raisonnable ferait dans les circonstances. La loi ne s’attend pas à la perfection. On pourrait tenir compte de circonstances comme une pénurie dans le contexte d’une poursuite en justice pour négligence professionnelle. Les tribunaux tiennent les infirmières responsables non pas de facteurs qui échappent à leur contrôle, mais de leurs propres actes dans les circonstances.
Si votre employeur ou votre syndicat a créé une formule particulière pour produire ce genre de rapport, utilisez?la. Énoncez les faits et soyez précise. Évitez les hypothèses. Encouragez toutes vos collègues à faire de même puisque la force réside dans le nombre. Persévérez. Signaler une situation dangereuse, c’est ajouter encore du travail à une journée chargée, mais c’est nécessaire pour attirer l’attention de ceux qui peuvent faire quelque chose.
Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent communiquer avec la SPIIC au 1-800-267-3390 pour parler avec un conseiller juridique de la SPIIC. Tous les appels sont confidentiels.
- Association des infirmières et infirmiers du Canada. Code de déontologie des infirmières autorisées, Ottawa, auteur, 2017.
- Yepremian v. Scarborough General Hospital (1978), 20 D.R. (2e) 510, 88 D.L.R. (3e) 161 rev.’d dans part. 28 O.P.R. (2e) 494, 110 D.L.R. (3e) 513 (Ont. C.A.).
- Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario. Vous voulez savoir, Communiqué. 24(3), septembre 1999, 32. Des associations professionnelles d’infirmières ont produit des documents sur le règlement des problèmes liés à l’exercice de la profession. Pour obtenir plus de renseignements, communiquez avec votre association. Pour obtenir d’autres lectures, consultez : Alberta Association of Registered Nurses : Working extra hours – Guidelines for registered nurses on fitness to practice and the provision of safe, competent, ethical nursing care , 2001; Saskatchewan Registered Nurses Association : Solving professionnal practice issues, 1998; Association des infirmières du Manitoba : Supportive practice environments – A discussion paper. 2000; Registered Nurses Association of Nova Scotia : Professional practice issues resolution framework, 1996; Association des infirmières et infirmiers du Canada : Travailler avec des ressources limitées : les contraintes morales des infirmières, Déontologie pratique, 2000.
- Reg. O. 799/93
- Supra note 3.
- Re Mount Sinai Hospital and Ontario Nurses Association (1978), 17 L.A.C. (2e) 242.
- Re Foothills Provincial General Hospital and U.N.A. Local 115 (1989), 7 L.A.C. (4e) 359.
- Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada. La négligence. infoDROIT, 3(1), septembre 1994.
Remarque : Cet article, paru en séptembre 2001, est réimprimé avec la permission de la revue Canadian Nurse / L’infirmière canadienne.
N.B.: Dans ce bulletin, le genre féminin englobe le masculin, et inversement, quand le contexte s’y prête.
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.