LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.
Quels sont les risques juridiques associés au préceptorat? La clé du succès : la responsabilisation des parties, que vous soyez l’infirmière autorisée ou l’étudiante.
Le préceptorat représente une composante essentielle de la formation des futures infirmières. Les préceptrices favorisent en effet le perfectionnement des infirmières de demain en leur communiquant les connaissances et l’expérience qu’elles ont acquises tout au long de leur carrière. L’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario considère le préceptorat comme « un processus interactif complexe qui mène à l’apprentissage du rôle d’infirmière». 1
Obstacles au préceptorat
Il arrive parfois que les infirmières autorisées d’un service quelconque hésitent à participer aux stages cliniques organisés à l’intention d’étudiantes-infirmières. Parfois, elles pensent qu’elles n’ont pas assez de temps à leur disposition pour former ou surveiller une étudiante et exercer à la fois leurs propres obligations professionnelles. Parfois, elles hésitent à encadrer une étudiante-infirmière en raison des risques professionnels et juridiques qui se rattachent à cette activité de mentorat si l’étudiante-infirmière commet une erreur qui porte préjudice à un patient. Il importe de se rappeler que chaque infirmière est responsable de ses propres actions. Cela vaut aussi pour les étudiantes-infirmières.
Gestion des risques juridiques
La compétence est l’un des principaux facteurs applicables au préceptorat d’étudiantes-infirmières. La préceptrice, l’éducatrice et l’étudiante doivent toutes s’assurer que le stage clinique est sécuritaire pour les patients, en plus d’être profitable à l’étudiante.
L’éducatrice doit veiller à ce que le programme d’études soit à jour et pertinent. Lorsqu’ils évaluent la norme de diligence applicable à une situation donnée, les tribunaux tiennent compte de nombreux facteurs. Ils ne considéreront pas d’un bon oeil des méthodes qui ne sont pas reconnues comme des pratiques courantes depuis quelque temps. Avant de placer une étudiante-infirmière dans un stage clinique, l’éducatrice doit connaître les capacités de l’étudiante.
Avant d’entreprendre de superviser une étudiante, la préceptrice doit se renseigner sur les connaissances et les compétences de cette dernière. La préceptrice a le droit de se fonder sur les renseignements qui lui donne l’éducatrice en ce qui concerne les capacités de l’étudiante. Il incombe aussi à la préceptrice d’établir, à partir des commentaires de l’étudiante, les limites de ses connaissances et de ses aptitudes.
Il faut clairement définir et circonscrire les compétences de l’étudiante-infirmière. Celle-ci est en effet responsable des interventions infirmières qu’elle pose et elle peut être constituée partie défenderesse dans une poursuite rattachée au préjudice que subit un patient. Par exemple, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a autorisé l’adjonction de trois parties défenderesses dans le cadre d’une poursuite déjà existante, à savoir une étudiante-infirmière, sa superviseure et l’université où l’étudiante était inscrite. La Cour a statué que la non-adjonction de ces parties causerait un préjudice considérable au demandeur, car celui-ci envisageait l’adjonction de tous les membres du personnel infirmier qui avaient soigné le patient et il n’avait pas compris, à l’origine, l’importance du statut de l’étudiante-infirmière. 2
L’étudiante-infirmière doit connaître ses capacités et ses compétences et agir en conséquence. Si elle n’a pas la compétence requise pour poser un geste infirmier quelconque, elle ne devrait pas poser ce geste tant qu’elle n’est pas réputée compétente pour ce faire. L’étudiante doit alors déclarer à la personne responsable qu’elle n’est pas qualifiée pour poser le geste requis. Les étudiantes-infirmières ne sont pas tenues d’être parfaites, mais elles doivent être à la hauteur de leurs camarades.
La communication entre l’éducatrice, la préceptrice et l’étudiante doit être claire et sans aucune ambiguïté. Chaque personne doit comprendre son rôle dans le processus pédagogique et communiquer immédiatement tout problème et toute préoccupation. Lorsqu’elle choisit les patients qui pourraient éventuellement bénéficier des soins dispensés par une étudiante, l’éducatrice devrait consulter l’infirmière chef ou la gestionnaire de l’unité de soins. L’éducatrice devrait examiner l’ampleur des activités considérées comme appropriées pour les étudiantes participant à un stage clinique dans l’établissement. De plus, elle devrait se renseigner auprès de l’infirmière chef ou de la gestionnaire de l’unité de soins sur les infirmières pouvant agir en tant que préceptrices. Il faut que les communications entre l’éducatrice et la préceptrice soient claires en ce qui concerne les capacités de l’étudiante.
Le rôle de la préceptrice doit être clairement compris et respecté. On peut définir ce rôle dans une entente écrite ou un contrat. Il faut aussi instaurer un processus favorisant la rétroaction entre l’éducatrice, la préceptrice et l’étudiante. Les directives données à l’étudiante doivent l’être de façon claire.
L’étudiante-infirmière devrait définir en collaboration avec l’éducatrice et la préceptrice les buts et les objectifs qu’elle veut atteindre lors de son stage et qui répondent à ses besoins. Les voies de communication entre toutes les parties doivent être ouvertes. L’étudiante doit demander des précisions et de l’aide en ce qui concerne les politiques ou procédures ambiguës relatives à son stage ou les tâches qu’elle doit accomplir et qu’elle ne saisit pas bien.
Les politiques et les procédures représentent des outils de gestion de risques et de communication essentiels dans tout service de prestation de soins infirmiers. Il importe de les comprendre et de les respecter. L’étudiante qui fait un stage doit être informée, d’une part, de l’importance de respecter ces politiques et procédures et, d’autre part, des conséquences éventuelles de leur inobservation. Dans une affaire introduite en Nouvelle-Écosse, une personne a subi une blessure à son nerf sciatique à la suite d’une injection qu’une étudiante-infirmière a faite dans ses muscles fessiers. Le tribunal a conclu à la négligence de l’hôpital parce qu’il avait autorisé les étudiantes-infirmières du service des urgences, habituellement achalandé, à faire des injections intramusculaires sans surveillance même s’il savait que ce genre d’injections dans le muscle dorsofessier représentait un risque important pour le nerf sciatique. Le tribunal a statué que l’étudiante-infirmière en cause n’avait pas suivi à la lettre la procédure établie étant donné qu’elle tenait le slip de la personne pendant l’injection. Elle n’avait donc pu localiser correctement le point d’injection. 3
Il faudrait adopter des politiques, des procédures et des lignes directrices en ce qui concerne la communication de renseignements aux étudiantes et la juste évaluation de leur compréhension et de leur emploi sécuritaire des connaissances et compétences acquises. L’éducatrice, la préceptrice et l’étudiante doivent connaître les politiques et procédures de l’établissement applicables aux stages cliniques des étudiantes-infirmières. Elles doivent aussi intervenir dans le cadre de ces paramètres préalablement définis.
La délégation de tâches et la supervision constituent deux composantes importantes du stage clinique. Une personne doit être désignée pour superviser l’étudiante stagiaire. La préceptrice doit déléguer des tâches appropriées à l’étudiante-infirmière. 4 Le défaut de déléguer des tâches appropriées et de superviser l’étudiante de façon adéquate pourrait donner lieu à un verdict de négligence à l’encontre de la préceptrice. Dans une affaire introduite dernièrement en Ontario, une chef d’équipe a été accusée de surveillance inadéquate d’une infirmière novice et reconnue coupable de négligence. Le tribunal a statué que la chef d’équipe avait complètement failli à son devoir d’attribution de fonctions et de surveillance contrairement à une norme appropriée de soins infirmiers. Il a condamné la chef d’équipe et l’infirmière novice à payer des dommages-intérêts. 5 En cas de préjudice à un patient et d’introduction d’une action en justice, il serait difficile de conclure à la culpabilité d’une préceptrice si celle-ci a suivi à la lettre les directives appropriées et dispensé une formation et assuré une surveillance adéquates.
Les étudiantes peuvent avoir le droit d’accomplir des actes autorisés dans certaines circonstances. En Ontario, par exemple, l’une des cinq exceptions applicables aux restrictions relatives aux actes autorisés prévues aux termes de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées concerne la satisfaction des exigences prévues pour devenir membre d’une profession de la santé, si l’acte entre dans l’exercice de la profession et est accompli sous la surveillance ou la direction d’un membre de la profession en question. 6 Les mots clés de cette disposition législative sont « sous la surveillance ou la direction ». Si la personne novice doit faire l’objet d’une supervision directe, il faut alors assurer une telle supervision. L’inobservation de cette règle pourrait donner lieu non seulement à un verdict de négligence à l’encontre de l’étudiante, mais aussi à l’encontre de la superviseure.
Normes de pratique
Toutes les infirmières autorisées et étudiantes-infirmières doivent comprendre les normes d’exercice de la profession infirmière et les mettre en pratique, quel que soit leur domaine d’exercice ou leur rôle. 7 Un tribunal aurait du mal à conclure à la négligence de l’infirmière autorisée qui participe à la formation d’étudiantes-infirmières si elle a respecté les normes appropriées et agi de façon sécuritaire et compétente. Toutefois, l’étudiante-infirmière qui pose un geste infirmier que seule une infirmière autorisée pourrait poser (injection intramusculaire, etc.) est tenue alors de respecter les normes applicables aux infirmières autorisées. L’étudiante-infirmière, à l’instar de toutes les autres infirmières, doit rendre compte de ses actes.
Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent communiquer avec la SPIIC au 1-800-267-3390 pour parler avec un conseiller juridique de la SPIIC. Tous les appels sont confidentiels.
- Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, Les étudiantes en stage clinique, Toronto, mai 2002, vol. 1, numéro 3.
- Cowherd c. Mission Memorial Hospital Foundation [2001], B.C.J. No. 2088; 2001 B.C.S.C. 1359 B.C.S.C.,en ligne : QL (BCJ).
- Roberts c. Cape Breton Regional Hospital [1997] N.S.J. No. 345; (1997) 162 N.S.R. (2d) 342 (N.S.S.C.), en ligne : QL (NSJ).
- Phillips, E., « Delegation and Liability », Canadian Nurse, septembre 1987, vol. 93, numéro 8, p. 47.
- Granger (Litigation Guardian of) c. Ottawa General Hospital [1996] O.J. No.2129, D.R.S. 96-08886. (O.C.J. (G.D.)), online: QL (ORP) @ par. 86.
- Regulated Health Professions Act, L.R.O. de 1991, chap.18, al. 29(1) b).
- Alberta Association of Registered Nurses, Nursing Practice Standards, Edmonton, septembre 1999, 3.
Remarque : Cet article, paru en octobre 2002, est réimprimé avec la permission de la revue Canadian Nurse / L’infirmière canadienne.
N.B.: Dans ce bulletin, le genre féminin englobe le masculin, et inversement, quand le contexte s’y prête.
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.