LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.
Les infirmières autorisées qui travaillent dans les milieux de santé contemporains marqués par la rapidité d’action et la haute technologie sont conscientes de leur responsabilité professionnelle et du fait qu’elles peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires en rapport avec l’exercice de leurs fonctions. À cet égard, c’est le risque de poursuites au civil au motif de négligence qui préoccupe généralement le plus les infirmières.
Il y a cependant d’autres secteurs de la loi, moins connus, mais tout aussi importants, qui peuvent entraîner l’introduction de poursuites judiciaires contre une infirmière autorisée ou d’autres fournisseurs de soins de santé. C’est le cas des lois sur la diffamation.
Ce secteur législatif retient actuellement davantage l’attention des litigants et de leurs avocats à cause du changement à la hausse du montant d’argent accordé par les tribunaux canadiens à l’issue de poursuites en diffamation. Par exemple, la Cour suprême du Canada a récemment accordé à un avocat des dommages-intérêts de plus d’un million de dollars contre l’Église de scientologie 1 et, dans Laufer c. Bucklaschuk 2, le jury a accordé à un fonctionnaire plus de deux millions de dollars parce qu’il avait fait l’objet de diffamation de la part d’un ministre.
Qu’est-ce que la diffamation?
La diffamation est la publication, sans justification, d’une déclaration fausse et diffamatoire à l’endroit d’une autre partie. Il existe deux types de diffamation : le libelle et la diffamation verbale. Dans le cas du libelle, les propos diffamatoires sont communiqués sous une forme visible et permanente. Dans le cas de la diffamation verbale, le message est communiqué oralement.
On trouve la description suivante dans Willows c. Williams [traduction libre] : « Une déclaration est diffamatoire lorsqu’elle a pour effet de porter atteinte à la réputation de la personne qu’elle vise, c’est-à-dire lorsqu’elle a tendance à rabaisser cette personne dans l’estime des bons citoyens et de la faire considérer avec haine, mépris, ridicule, crainte, aversion ou mésestime ». 3
Ayant lu ce qui précède, il se peut que vous vous demandiez : « Quel rapport peut il y avoir entre des poursuites en diffamation et l’exercice de ma profession? » Des infirmières ont signalé différents cas d’allégations d’activités diffamatoires à la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada (SPIIC), notamment dans les situations suivantes :
- Allégation de déclarations diffamatoires à l’endroit d’une infirmière surveillante dans une lettre de démission d’une infirmière;
- Allégation de diffamation lors de questions posées à un parent par le personnel hospitalier suite à des soupçons d’abus sexuels;
- Menace de poursuites judiciaires suite à des déclarations négatives faites par une infirmière sur deux collègues de travail lors d’un examen hospitalier interne;
- Poursuites intentées par une infirmière contre un employeur pour congédiement injustifié et diffamation;
- Poursuites fondées sur une allégation qu’une infirmière avait divulgué des renseignements sur un client qui étaient faux et diffamatoires;
- Poursuites intentées par une élève infirmière contre une monitrice alléguant négligence et diffamation;
- Poursuites intentées par un médecin contre un hôpital et le personnel infirmier au motif de congédiement injustifié et de diffamation.
Il y a également un certain nombre de décisions publiées concernant des professionnels de la santé suite à des allégations de diffamation. Aux fins du présent article, j’ai sélectionné deux décisions pour mieux illustrer les secteurs de risques possibles.
La première décision, Mendoza c. St. Michael’s Centre Hospital Society, 4 met en cause un infirmier autorisé qui a introduit une action contre un employeur et une collègue de travail pour libelle et diffamation verbale. Ces poursuites ont été entamées principalement à cause d’une note écrite dans un cahier de communication par un membre du personnel. Je porte cette décision à votre intention parce que les cahiers de communication sont couramment utilisés dans beaucoup d’établissements.
Dans la cause Mendoza, une aide-soignante, Mme H, était préoccupée par la façon dont M. M. (infirmier autorisé) traitait les patients et d’autres collègues de travail. Mme H avait fait part de ses préoccupations oralement à la direction mais estimait que la direction n’avait pas tenu compte de ses plaintes. Elle avait parlé de la chose à son infirmière surveillante qui lui avait rappelé que le cahier de communication pouvait être utilisé pour les problèmes relatifs aux soins aux patients ou aux conditions de travail. Peu de temps après cette conversation, Mme H avait inscrit la note suivante dans le cahier de communication et l’avait signée de son nom au complet [traduction libre] :
À : Direction de SMC
Nous avons besoin de votre aide.
Objet : Négligence d’un I.A.
M. M. (nom au complet) « devrait travailler » pendant sa période de travail de 11 h à 19 h.Au lieu de quoi :
1. il néglige les besoins des patients.
2. il évite et refuse de faire le travail.
3. il harcèle et maltraite le personnel de nuit syndiqué .Il s’agit d’une affaire grave et nous demandons à l’employeur de bien vouloir s’en occuper.
Après avoir lu la note de Mme H., M. M. a entamé des procédures de grief. Dans l’un des griefs, M. M. alléguait que Mme H. avait fait des allégations diffamatoires dans le cahier de communication. L’hôpital a fait enquête sur ces affaires et un médiateur a été nommé. Une réunion de médiation a eu lieu mais n’a pas abouti. Un mois plus tard, M. M. a entamé deux poursuites. Dans la première poursuite, M. M. alléguait que Mme H. l’avait diffamé lorsqu’elle avait écrit la note dans le cahier de communication et lorsqu’elle avait fait une déclaration diffamatoire à une tierce partie. La seconde poursuite était dirigée contre l’hôpital, son directeur des soins infirmiers et son directeur général et alléguait qu’ils avaient rendu publique la note diffamatoire dans le cahier de communication et retardé le moment de sa suppression.
Après l’introduction des poursuites, l’avocat de la défense a demandé au tribunal de rendre une ordonnance rejetant les deux poursuites au motif que le tribunal n’avait pas compétence pour les entendre et qu’elles devraient être traitées conformément aux dispositions sur l’arbitrage de la convention collective régissant M. M. et son employeur. Le juge qui a entendu cette demande a rejeté la seconde poursuite (contre l’hôpital, le directeur des soins infirmiers et le directeur général) au motif que ce litige concernait un différend entre l’employeur et l’employé tel que défini dans la convention collective et devait donc faire l’objet d’un arbitrage. Dans la même décision, le juge a décidé que le tribunal avait compétence pour entendre la première poursuite entre M. M. et Mme H. parce qu’il s’agissait d’un litige entre des collègues de travail qui appartenaient à deux syndicats différents et avaient des conventions collectives séparées. Leur différend ne relevait donc pas de la convention collective régissant M. M. et son employeur. Au moment de la publication du présent bulletin, l’action n’avait pas encore été instruite et le résultat final n’est donc pas connu.
La seconde cause, Balanyk c. Greater Niagara General Hospital et al., 5 met en cause une infirmière autorisée qui avait entamé des poursuites contre son employeur et un certain nombre d’autres parties pour libelle diffamatoire. Dans cette cause, l’ex-employeur de l’infirmière B. avait été informé que l’infirmière B. se rendait souvent dans les locaux de l’hôpital et harcelait les membres du syndicat. Comme les membres du syndicat craignaient pour leur sécurité, la direction de l’hôpital avait préparé une lettre restrictive informant l’infirmière B. qu’elle n’était plus autorisée à pénétrer dans les locaux de l’hôpital. La photographie de l’infirmière B. a été communiquée au chef de la sécurité pour permettre au personnel de sécurité de l’identifier pour lui remettre la lettre restrictive. Le chef de la sécurité a affiché la photographie sur le babillard du bureau de la sécurité de l’hôpital. L’infirmière B. est revenue à l’hôpital, mais elle est repartie avant de recevoir la lettre restrictive. En conséquence, la lettre lui a été envoyée par courrier recommandé. Plus tard, le chef de la sécurité a placé l’inscription « Personnes indésirables » en haut du babillard et a affiché un certain nombre de photographies, y compris la photographie et le nom de l’infirmière B., dans cette partie du babillard. L’infirmière B. a entamé des poursuites alléguant que l’affichage de son nom et de sa photographie sur le babillard de l’hôpital représentait une diffamation de son nom et de sa réputation d’infirmière compétente.
Avant qu’une date ne soit fixée pour le procès, une requête de jugement sommaire aux fins de rejet de l’action de l’infirmière B. a été introduite par un certain nombre des intimés. Le juge qui a entendu cette requête a jugé que l’affichage de la photographie de l’infirmière B. était une publication restreinte effectuée uniquement à des fins de sécurité. Il a jugé qu’il n’y avait pas de véritable question litigieuse et a rejeté la poursuite.
Après avoir lu ces informations, vous vous demanderez peut-être pourquoi certaines de ces personnes se sont données la peine de porter ces actions en cour, avec le temps et l’argent que cela représente. Il ne faut pas oublier que ce qui est en cause dans ce type d’affaire, c’est la réputation de la personne – un bien intangible que la plupart des gens mettent au-dessus de l’argent.
Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent communiquer avec la SPIIC au 1-800-267-3390 pour parler avec un conseiller juridique de la SPIIC. Tous les appels sont confidentiels.
- Hill c. Church of Scientology of Toronto et al., [1995] 24 O.R. (3e) 865 (C.S.C).
- Laufer v. Bucklaschuk, [1998] M.J. no 479 (Man. C.A.).
- Willows c. Williams, (1950), 2 W.W.R. (N.S.) 657 (Alta. S.C.) au par. 1.
- Mendoza c. St. Michael’s Centre Hospital Society, [1998] B.C.J. no 914 (B.C.S.C.).
- Balanyk c. Greater Niagara General Hospital et al., [1997] O.J. no 1124 (Cour de l’Ontario, Division générale), appel rejeté [1997] O.J. no 4867 (Cour d’appel de l’Ontario), autorisation d’appel à la C.S.C. rejetée [1998] A.C.S.C. no 82.
Remarque : Cet article, paru en mars 1999, est réimprimé avec la permission de la revue Canadian Nurse / L’infirmière canadienne.
N.B.: Dans ce bulletin, le genre féminin englobe le masculin, et inversement, quand le contexte s’y prête.
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.