Cet article a été publié en avril 2022 et reflète l’information à jour au moment de la publication.
Question 1 :
Existe-t-il des éléments que les infirmières et infirmiers en santé du travail (IST) doivent considérer relativement au respect de la vie privée et à la confidentialité avant de communiquer un statut vaccinal contre la COVID-19?
Réponse 1 :
Les professionnels de la santé et particulièrement les IST connaissent déjà leurs obligations professionnelles et éthiques au titre desquelles ils doivent protéger la vie privée des patients. L’information sur la santé d’une personne est assujettie à la loi sur la protection de la vie privée applicable, qu’elle vise expressément à protéger les renseignements personnels sur la santé ou un plus large éventail de renseignements personnellement identifiables. En règle générale, le statut vaccinal d’un patient devrait demeurer confidentiel. Il peut cependant y avoir des exceptions à l’obligation de confidentialité; par exemple, selon la loi sur la protection des enfants, la loi sur la santé publique et les maladies transmissibles (comme pendant la pandémie de COVID-19) ou d’autres lois qui exigent une déclaration obligatoire.1
Il incombe également aux IST, ainsi qu’aux organisations qui les emploient ou retiennent leurs services, de protéger la confidentialité de la documentation sur le statut vaccinal des employés, puisqu’il s’agit de renseignements personnels sur la santé ou du moins, dans certaines provinces ou certains territoires, de renseignements personnels protégés. Voici certaines façons de protéger ces renseignements :
- en ne recueillant que les renseignements nécessaires, dans la mesure du possible. Par exemple, certaines organisations estiment qu’il est suffisant de ne demander que le nom de l’employé et la date de vaccination pour chaque dose2;
- en n’entrant aucun renseignement sur la vaccination des employés dans les dossiers personnels;
- en limitant l’accès aux renseignements sur la vaccination aux personnes qui ont besoin de les connaître.
Dans l’ensemble des provinces et des territoires, la loi exige que les renseignements personnels sur la santé ou les renseignements sur la vaccination soient protégés et ne soient utilisés qu’aux fins auxquelles ils ont été recueillis.3
Question 2 :
L’employeur peut-il avoir accès à des renseignements précis au sujet du statut vaccinal d’un employé?
Réponse 2 :
Dans la plupart des provinces et des territoires, l’employeur peut, à des fins raisonnables, recueillir, utiliser ou divulguer des renseignements personnels sur la santé avec le consentement de l’employé. Si la vaccination contre la COVID-19 est une condition d’emploi, l’employeur recueillerait normalement des renseignements précis au sujet du statut vaccinal, ce qui constitue une collecte de renseignements personnels sur la santé ou de renseignements personnels, selon la province ou le territoire et le lieu de travail.
Selon la loi applicable, l’IST peut être dans l’obligation, à la demande de l’employeur, de communiquer certains renseignements sur la santé; par exemple, pour indiquer à l’employeur si l’employé est apte, inapte ou apte sous réserve de certaines limites à exercer une activité particulière. Ce pourrait être le cas pour un emploi dans un bureau, par exemple. Selon la loi applicable et le type de milieu de travail, le statut vaccinal pourrait être communiqué aux représentants de l’employeur qui ont besoin de connaître cette information, sous réserve de certaines conditions.
Des exigences en matière de vaccination ont été imposées dans beaucoup de professions afin d’atténuer les risques liés à la COVID-19, ce qui constitue généralement une fin raisonnable. Par exemple, le gouvernement du Canada a exigé que les fonctionnaires fédéraux et le personnel du secteur des transports sous réglementation fédérale soient vaccinés pendant la pandémie.4
Si un employeur demande des renseignements médicaux personnels sur un employé autres que ceux qui lui sont nécessaires pour déterminer sa capacité de travailler, l’obligation de confidentialité et le devoir de loyauté envers l’employeur peuvent entrer en conflit. Le cas échéant, l’obligation juridique et professionnelle de protéger la confidentialité des employés et les renseignements personnels sur la santé prévaut normalement. Au Canada, certaines provinces et certains territoires ont des lois pour empêcher les employeurs d’obtenir l’accès aux renseignements sur la santé des employés, en l’absence du consentement écrit de ces derniers.5
Question 3 :
Quelles sont les mesures de protection que les IST devraient utiliser au moment d’expliquer la nécessité de la divulgation à l’employé ou à l’employeur?
Réponse 3 :
Il se peut qu’un employé soit en désaccord avec la décision de l’IST de communiquer son statut vaccinal à l’employeur.
Les employeurs ont l’obligation d’offrir un milieu de travail sécuritaire à tous les employés, et ils peuvent devoir demander le statut vaccinal de leurs employés. L’IST peut assurer à l’employé que l’employeur n’a pas le droit de divulguer des renseignements personnels sur la santé, sauf en cas de nécessité absolue, et que seuls les renseignements nécessaires afin d’assurer l’efficacité de la politique sont recueillis. En règle générale, l’IST peut indiquer à son employeur si l’employé s’est conformé à la politique de vaccination, sans lui montrer les renseignements personnels sur la santé de l’employé (preuve de vaccination ou de la mesure d’adaptation).
À l’inverse, si l’IST se fait demander l’accès à plus de renseignements personnels sur la santé qu’il ne le juge nécessaire, il peut être approprié de rappeler poliment à l’employeur l’importance d’une divulgation adéquate et les risques associés à une divulgation qui n’est pas conforme aux lois sur la protection des renseignements personnels et aux lignes directrices de la santé publique. En fait, l’employeur peut faire face à un certain nombre de conséquences dans le cas où des renseignements personnels ou des renseignements personnels sur la santé sont communiqués de manière inappropriée.
- Un employé peut engager une action en justice pour négligence, manquement à l’obligation de confidentialité, atteinte à la vie privée ou diffamation.
- Un organisme de réglementation en matière de santé peut engager des procédures disciplinaires contre un professionnel de la santé sous réglementation.
- Le commissaire provincial ou territorial à la protection de la vie privée peut enquêter sur une plainte.
Il serait prudent de bien connaître en tout temps les lois applicables et les sources des obligations juridiques, professionnelles et éthiques en matière de confidentialité des renseignements personnels sur la santé et des renseignements personnels. Ces connaissances pourraient contribuer à la perception de l’IST comme une ressource utile lorsqu’il s’agit d’obtenir son avis sur la portée de la divulgation de renseignements personnels sur la santé.
Il s’agit là d’un aperçu des principes généraux. Étant entendu que les circonstances de chaque cas peuvent varier considérablement, nous encourageons les bénéficiaires de la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada (SPIIC) à communiquer avec le conseiller juridique de cette dernière pour obtenir des conseils personnalisés s’ils ont des questions dans le contexte de la prestation de services de soins infirmiers professionnels.
Facteurs liés à la COVID-19 que les infirmiers et infirmières en santé du travail doivent prendre en considération : politique de vaccination
Question 4 :
On m’a demandé de rédiger une politique de vaccination contre la COVID-19. Par où dois-je commencer?
Réponse 4 :
Si l’IST participe à l’élaboration d’une politique de vaccination pour le personnel de son milieu de travail, certains éléments devraient être intégrés dans la politique. Compte tenu des risques importants que suppose la création d’une telle politique sur le plan de confidentialité, l’IST devra faire preuve de prudence en recueillant, en partageant, en conservant ou en éliminant des renseignements sur le statut vaccinal d’un employé. Dans la mesure du possible, l’IST devrait envisager de demander l’aide de son agent du service de la protection de la vie privée et/ou de son conseiller juridique dans le cadre de l’élaboration de la politique. Les commissaires fédéral, provinciaux et territoriaux à la protection de la vie privée ont également publié des déclarations concernant les répercussions des passeports vaccinaux sur la protection de la vie privée qui pourraient être appliquées aux politiques de vaccination. Ils y expliquent qu’il convient d’établirune la nécessité, l’efficacité et la proportionnalité des passeports vaccinaux pour chacun des contextes dans lesquels ils seront utilisés6 :
- Nécessité : la politique doit être nécessaire et fondée sur des éléments probants pour atteindre les objectifs prévus en matière de santé publique, et il ne doit exister aucune autre mesure moins intrusive qui serait tout aussi efficace.
- Efficacité : la politique doit atteindre ses objectifs prévus dès le départ, jusqu’à ce qu’elle ne soit plus nécessaire ou qu’elle ne soit plus considérée comme « efficace ».
- Proportionnalité : les risques d’atteinte à la vie privée associés à la politique doivent être proportionnels aux objectifs de santé publique qu’elle vise à atteindre.7
Pendant la rédaction de la politique, l’IST pourrait vouloir tenir compte des éléments suivants :
- L’objet de la politique : par exemple, l’IST pourrait énoncer les risques liés à la COVID-19 et les raisons pour lesquelles la vaccination est à ce moment l’un des meilleurs moyens de prévenir la transmission. L’objet devrait expliquer pourquoi la politique est nécessaire, susceptible d’être efficace et proportionnelle.
- Les personnes auxquelles la politique s’adresse : par exemple, tous les employés, les bénévoles, les étudiants, uniquement les employés qui travaillent sur les lieux, les clients, entre autres.8
- Une description des renseignements que les employés devront fournir : Comme les employeurs sont tenus de recueillir le moins de renseignements possible, ils se limitent généralement à la question de savoir si leurs employés ont reçu un vaccin (y compris le nombre de doses), aux dates de vaccination et au type de vaccin.
- Une description des moyens par lesquels les employés peuvent se conformer à la politique :
- Ils peuvent, par exemple, présenter leur preuve de vaccination, conformément aux directives de leur province ou territoire, ou une exemption médicale écrite fournie par un professionnel de la santé autorisé.
- Ils pourraient également présenter une déclaration indiquant qu’une mesure d’adaptation est requise en vertu du code des droits de la personne de leur province ou territoire, s’ils ne peuvent pas recevoir un vaccin contre la COVID-19.
- Ils peuvent aussi fournir les résultats d’un test antigène rapide, s’il y a lieu dans les circonstances.
- Toutes les solutions de rechange pour les travailleurs non vaccinés, notamment le travail à domicile, l’utilisation continuelle d’équipement de protection individuelle, comme le masque, les tests de dépistage réguliers, entre autres.
- Les conséquences du défaut de se conformer à la politique; c.-à-d. les mesures que les employeurs devront prendre si des employés ne respectent pas la politique.
- La façon dont la vie privée sera protégée et dont les renseignements seront stockés, sécurisés et détruits, au besoin. Par ailleurs, il faut s’assurer que le moins de renseignements nécessaires possible ne soient stockés et partagés afin de protéger la confidentialité des renseignements personnels sur la santé des employés.
Il se peut qu’un tribunal considère que la collecte de renseignements personnels sur la santé est plus raisonnable dans certaines circonstances que d’autres, selon la nature du milieu de travail. Voici certains facteurs qui devraient être pris en considération pour déterminer si une politique de vaccination est raisonnable :
- le niveau de risque de transmission de la COVID-19 au travail;
- la question de savoir si les travailleurs sont en contact avec des populations vulnérables (comme les personnes âgées ou immunosupprimées, ou des enfants qui ne peuvent pas être vaccinés);
- la disponibilité et l’efficacité de mesures moins intrusives (comme la question de savoir si les travailleurs peuvent rester à une distance de deux mètres, s’ils doivent retirer leur masque pour exercer leurs fonctions ou s’ils travaillent à domicile).
Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent composer le 1-800-267-3390 pour discuter avec une conseillère ou un conseiller juridique des questions relatives à la protection des renseignements personnels sur la santé.
Mai 2022
- Ibid; En ce qui concerne la divulgation des maladies transmissibles, la législation ontarienne explique que les médecins et les praticiens (y compris les membres de l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario), qui, « lorsqu’il fournit des services professionnels à une personne qui n’est pas un malade hospitalisé ou un malade externe d’un hôpital, se rend compte que cette personne est ou peut être atteinte d’une maladie importante sur le plan de la santé publique, le signale le plus tôt possible au médecin-hygiéniste de la circonscription sanitaire où il fournit ses services”. Les maladies transmissibles peuvent varier selon le territoire de compétence, mais comprennent généralement des maladies comme le coronavirus, l’hépatite, la rage ou la rougeole. (Loi sur la protection et la promotion de la santé, L.R.O. 1990, c. H.7, section 25.).
- Eastern Ontario Health Unit, Recommendations for Workplace COVID-19 Vaccination Policies: Information for Employers , 2021.
- Par exemple, la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé de l’Ontario indique que “un dépositaire de renseignements sur la santé peut utiliser des renseignements personnels sur la santé concernant un particulier à l’une ou l’autre des fins suivantes: a) la fin visée par leur collecte ou leur production et toutes les fonctions raisonnablement nécessaires à la réalisation de cette fin, sauf s’ils ont été recueillis avec le consentement du particulier ou en vertu de l’alinéa 36 (1) b) et que celui-ci donne une consigne expresse à l’effet contraire“;
- Gouvernement du Canada, Exigence de vaccination contre la COVID-19 pour les fonctionnaires fédéraux, 2022.
- Ibid.
- Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, La vie privée et les passeports vaccinaux relatifs à la COVID-19, 19 mai 2021.
- Ibid.
- Il s’agit d’une distinction importante, car cette détermination aura un effet sur la législation relative à la protection de la vie privée, à l’emploi ou à toute autre législation qui s’applique à la politique. (Ibid)
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS SPÉCIFIQUES.