Cet article a été publié en novembre 2021 et reflète l’information à jour au moment de la publication.
Le déploiement de la vaccination contre la COVID-19 va bon train partout au Canada puisque les infirmières et infirmiers sont aux premières lignes de l’administration du vaccin COVID-19. Les renseignements suivants mettent en lumière certaines des considérations juridiques que les infirmières et infirmiers peuvent souhaiter garder à l’esprit lorsqu’ils procèdent à la vaccination.
Mécanismes d’autorisation
Avant d’administrer un vaccin, il est important de connaître la source d’autorité qui demande le vaccin, les lignes directrices des organismes de réglementation et la législation pertinente propre au territoire de compétence, ainsi que les politiques de l’employeur. Il existe parfois plus d’un mécanisme juridique qui peut autoriser une ordonnance de vaccination. Il peut y avoir une ordonnance ou une directive spécifique au patient, p. ex. du médecin hygiéniste, et les lignes directrices en matière de vaccination peuvent varier selon les provinces et les territoires.
Avant la pandémie, les infirmières et infirmiers autorisé(e)s, les infirmières et infirmiers psychiatriques autorisé(e)s et les infirmières et infirmiers auxiliaires autorisé(e)s (ou infirmières et infirmiers auxiliaires au Québec) n’étaient pas, dans la plupart des cas, autorisé(e)s à administrer des vaccins sans l’ordonnance ou la directive d’un(e) infirmier(ère) praticien(ne) ou d’un(e) médecin, car l’administration d’une substance par injection est considérée comme un acte autorisé1.
Pour relever le défi sans précédent que représente la vaccination massive d’une population dans un délai très court, de nombreuses provinces ont créé des exemptions qui permettent aux infirmières et infirmiers d’administrer le vaccin contre la COVID-19 sans ordonnance. Malgré ces exemptions générales, les infirmières et infirmiers sont toujours tenu(e)s de se conformer à l’ensemble des exigences et normes applicables.
Afin d’augmenter le nombre de personnes qui peuvent vacciner des millions de Canadiens aussitôt que possible, de nombreux territoires de compétence permettent maintenant à un plus large éventail de professionnels de la santé réglementés, de professionnels de la santé à la retraite, d’étudiants et d’autres personnes d’administrer les vaccins contre la COVID-19 en publiant des documents tels que des arrêtés ministériels ou de nouveaux règlements. L’Ontario, le Manitoba, la Colombie-Britannique et le Québec figurent parmi ceux-ci et visent diverses catégories de professionnels de la santé réglementés ou d’autres personnes. Puisque ces personnes n’administrent généralement pas de vaccins, certain(e)s infirmières et infirmiers peuvent être appelé(e)s à superviser d’autres fournisseur(se)s de soins de santé pendant qu’ils ou elles accomplissent cet acte réservé2. Les infirmières et infirmiers savent qu’une bonne pratique professionnelle englobe plus qu’une simple tâche, mais des principes et des connaissances tels que la prévention et le contrôle des infections et une évaluation suffisante avant et après une intervention. Ces connaissances et cette formation font en sorte qu’ils sont les plus aptes à superviser d’autres professionnels recrutés pour relever les défis de la pandémie.3 Il est important de noter que les arrêtés ministériels et les nouvelles réglementations sont dynamiques et leur autorité prendra fin lorsque la COVID-19 ne constituera plus une menace sérieuse et immédiate pour la santé publique.
Connaissances, compétences et formation
Les infirmières et les infirmiers apprennent l’administration et l’injection des médicaments dans le cadre de leurs compétences de base, mais la formation continue est le sceau du professionnalisme. Les vaccins sont conçus pour affecter le système immunitaire et les réactions des patients peuvent varier, et comprennent l’anaphylaxie, une possibilité rare, mais potentiellement mortelle. Par conséquent, les infirmières et infirmiers peuvent chercher ou être tenus de suivre un cours de compétence dans l’administration des vaccins. Quelques exemples sont le cours d’immunisation contre la COVID-19 du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique pour les infirmières et infirmiers, ou encore la formation sur l’immunisation de base contre la COVID-19 du Bureau du médecin-hygiéniste en chef du Nouveau-Brunswick.
Avant de s’impliquer dans la vaccination, les infirmières et infirmiers peuvent se renseigner sur les ressources disponibles en cas des effets indésirables. Si une réaction indésirable survient, le patient doit être évalué et traité aussi rapidement que possible. Les incidents critiques doivent être signalés à l’administration de l’institution dès que possible. Les infirmières et infirmiers sont chargés de signaler les incidents critiques en utilisant la procédure de signalement interne. Dans ces circonstances, la personne autorisée à prendre des décisions peut être un gestionnaire des risques, un responsable de l’assurance qualité ou un responsable d’établissement. Ceci inclut généralement un rapport d’incident écrit. L’étape suivante est une enquête interne ou un suivi, selon la nature et la gravité de l’incident. Il est utile pour une institution de tenir compte de ce qui a bien fonctionné et ce qui n’a pas bien fonctionné pendant l’incident. Une fois que l’incident a été analysé, des recommandations d’amélioration peuvent suivre.
Réaffectation du personnel infirmier
Pour aider à gérer une pandémie, les infirmières et infirmiers peuvent être réaffecté(e)s par leur employeur dans des domaines où ils ou elles n’exercent pas régulièrement. À titre d’exemple, le gouvernement de l’Ontario a publié une ordonnance temporaire4 qui permet aux professionnels de la santé titulaires d’une licence ou d’un certificat d’une autre province ou d’un territoire de venir travailler dans les hôpitaux ontariens pour aider aux soins. Les infirmières et infirmiers ont pu le faire sans avoir à obtenir un permis d’exercice en Ontario et « étaient autorisé(e)s à exercer en dehors de leur champ d’exercice habituel, à condition que cela soit nécessaire pour que le professionnel de la santé puisse intervenir face à la pandémie de COVID-19, la prévenir ou en atténuer les effets5 ». Cela peut s’appliquer aux personnes de l’extérieur de la province ainsi qu’à certain(e)s praticien(ne)s de la santé en Ontario.
Les infirmières et infirmiers peuvent être réaffectés dans des centres de vaccination spécialement conçus pour vacciner contre la maladie ou dans des centres de santé publique existants. Les infirmières et infirmiers devront utiliser leurs compétences de base, telles que la pensée critique et le jugement professionnel, et devront exercer leur profession de manière raisonnable en fonction des circonstances. Il y aura alors lieu de prendre connaissance des normes infirmières pertinentes et des politiques et procédures de l’employeur, de même que tout besoin de formation en cours d’emploi.6
Consentement des mineurs matures
Maintenant que les jeunes âgés de 12 à 17 ans sont autorisés à recevoir certains vaccins contre la COVID-19, conformément aux lignes directrices de Santé Canada, la question du consentement des mineurs matures peut se poser dans le contexte de l’administration des vaccins.
Les infirmières et infirmiers doivent connaître les exigences en matière de consentement dans leur territoire d’exercice. Au Québec, selon le Code civil, un enfant âgé de 14 ans ou plus peut généralement consentir seul à un traitement. Au Nouveau-Brunswick, la Loi sur le consentement des mineurs aux traitements médicaux permet aux personnes âgées de 16 ans et plus de consentir à un traitement, avec un amendement récent qui permet aux personnes de moins de 16 ans de consentir dans certaines circonstances. Dans la plupart des autres provinces et territoires, il est courant que la loi du mineur mature soit utilisée pour déterminer si une personne n’ayant pas atteint l’âge de la majorité dans cette province ou ce territoire a la capacité de consentir à un traitement. Le professionnel de la santé vérifie si le patient comprend la nature de la décision à prendre et les conséquences d’un consentement ou d’un refus de consentement à un plan de traitement proposé. Si le jeune a cette capacité, il est considéré comme un mineur mature aux fins de cette décision. Il serait prudent pour les infirmières et infirmiers de documenter minutieusement leur évaluation, y compris le raisonnement qui sous-tend leur décision de procéder ou non à la vaccination.
En cas de désaccord entre les parents concernant la vaccination des enfants, certains tribunaux ont généralement accordé le pouvoir de décision au parent qui souhaite faire vacciner l’enfant, estimant que c’est dans l’intérêt de l’enfant.7 La question pourrait également devoir être résolue en fonction des droits parentaux attribués à chacun des parents dans le cadre d’un divorce ou d’une séparation.
La vaccination chez les enfants
Les infirmières et infirmiers doivent respecter la loi du consentement dans leur territoire de compétence lorsqu’ils prodiguent des soins aux enfants. À titre de rappel, certaines provinces ou certains territoires ont un âge minimum de consentement, tandis que la plupart exigent une évaluation de la capacité du mineur. Une évaluation au cas par cas sera requise et devra tenir compte de la maturité de l’enfant (développement physique, mental et émotionnel) et de sa capacité à être conscient des risques et des avantages de recevoir un traitement ou de le refuser. En général, cet exercice peut être plus simple avec de très jeunes enfants. Dans le cas où l’enfant serait incapable de donner son consentement, car il ne comprend pas les conséquences ou avantages de procéder au traitement ou de le refuser, les parents ou tuteurs légaux sont autorisés à donner leur consentement au nom du mineur.8
Il est important de noter qu’en ce qui concerne les vaccinations contre la COVID-19 pour les enfants âgés de 5 à 11 ans, certaines provinces ou certains territoires exigent le consentement d’un parent ou d’un tuteur malgré la capacité du mineur à consentir. De plus, certaines autorités de santé publique ont déclaré qu’elles ne vaccineraient pas les enfants sans la présence d’un parent ou d’un tuteur.9
Tel qu’il est susmentionné, il peut y avoir des désaccords entre les parents concernant la vaccination de leurs enfants. La cour approuvera généralement la position de la partie qui a agi dans l’intérêt supérieur de l’enfant.10
Que faire si un patient exprime des réticences à se faire vacciner?
Avec l’obligation de vaccination dans certaines professions11 et les passeports vaccinaux dans la plupart des territoires de compétence, les infirmières et infirmiers peuvent désormais être plus susceptibles de recevoir des demandes d’exemption de vaccin de la part de leurs patients.
Avant d’administrer un vaccin, le patient doit donner son consentement éclairé et l’infirmier(ère) doit penser à documenter sa discussion avec le patient concernant le vaccin. Les renseignements pertinents sont communiqués au patient par le professionnel de la santé qui administre le vaccin, afin de lui permettre de prendre une décision éclairée sur les risques et les avantages associés à la vaccination.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur la documentation, veuillez consulter notre InfoDROIT sur le sujet. Il convient également de souligner que les patients ou leurs mandataires spéciaux ont généralement le droit légal de refuser de recevoir un vaccin.
Les bénéficiaires de la SPIIC peuvent communiquer avec la SPIIC au 1-800-267-3390 pour poser des questions précises relatives à leur pratique à un conseiller ou une conseillère juridique de la SPIIC. Tous les appels sont confidentiels.
- Les provinces et les territoires n’ont pas tous la même définition de ce qui constitue un acte autorisé. Par exemple, en Ontario, la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées, définit un acte autorisé comme une activité qui peut causer un préjudice si elle est exécutée par une personne non qualifiée. Dans ce cas, les actes autorisés seraient l’administration d’une substance par injection et « la pratique d’interventions sur le tissu situé sous le derme ». Dans certains territoires de compétence, il s’agit d’« activités restreintes ».
- College of Registered Nurses of Manitoba, Coronavirus Updates, avril 2020, en ligne : https://www.crnm.mb.ca/about/covid-19
- ibidem
- Assemblée législative de l’Ontario, Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence : Règl. de l’Ont. 305/21 : Professionnels de la santé réglementés
- Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, MISE À JOUR IMPORTANTE : Nouveaux décrets provinciaux – changement apporté au champ d’exercice dans les hôpitaux, 23 avril 2021, https://www.cno.org/fr/nouvelles/2021/april-2021/nouveaux-decrets-provinciaux—changement-apporte-au-champ-dexercice-dans-les-hopitaux/
- Pour obtenir de plus amples renseignements sur les soins infirmiers pendant une pandémie, vous pouvez également consulter la page suivante : SPIIC, Considérations juridiques pour les infirmières et infirmiers pendant une pandémie : https://spiic.ca/article/considerations-juridiques-pandemie/
- Par exemple, voir Tarkowski c. Lemieux, 2020 ONCJ 280 (CanLII).; https://globalnews.ca/news/7881765/bc-covid-19-vaccine-youth-consent-infants-act/
- Association canadienne de protection médicale, Un enfant est-il apte à consentir?, mai 2021.
- Par exemple, Santé publique d’Ottawa a les informations suivantes; https://www.ctvnews.ca/health/coronavirus/covid-19-vaccines-and-minors-where-does-canadian-law-stand-on-consent-1.5623287
- Par exemple, Droit de la famille — 211637, 2021 QCCS 3582 (CanLII), https://canlii.ca/t/jhvzz
- Par exemple, le gouvernement du Canada exigera la vaccination de la main-d’œuvre fédérale et du secteur des transports sous réglementation fédérale. Le gouvernement de l’Ontario a également mis en œuvre des politiques de vaccination obligatoire pour les milieux à haut risque tels que les foyers de soins de longue durée et les établissements de santé.
Août 2021, révisé en novembre 2021
LA PRÉSENTE PUBLICATION SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. RIEN DANS CETTE PUBLICATION NE DEVRAIT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU DE LA SPIIC. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES CONSEILS PRÉCIS.